Du maire de Nice, un certain Peyrat, à qui on demandait d’intervenir en faveur d’un réfugié kosovar : « J’ai suffisamment ma dose de peuplades musulmanes sans souhaiter l’augmenter. » Goethe disait que même Dieu ne pouvait rien contre la bêtise humaine.

Avec Pivot, c’est tout un art qui risque de disparaître et que l’on appellera, faute de mieux, l’art de la conversation littéraire. Byron célèbre en une nuit, grâce à l’éclat de deux reparties. Cocteau qui se donnait autant de mal, disait-on, pour mettre au point une anecdote que pour ajuster une rime. Et Berl. Et le jeune Proust. Et puis tous ces écrivains qui, depuis vingt-cinq ans, d’« Apostrophes » à « Bouillon de culture »…

Jospin cède aux camionneurs : il baisse dans les sondages. Blair tient bon : il baisse, aussi, dans les sondages. Situation assez rare où deux démocraties sont aux prises avec le même problème, où elles apportent à ce problème deux réponses diamétralement opposées – et c’est, dans l’opinion, le même trou d’air politique. Que demande le peuple ? Et s’il ne s’agissait justement plus de pétrole, de taxes, de transport, etc. ?

À l’attention du ministre de l’Éducation nationale, Jack Lang, à l’attention, surtout, de ceux qui, dans son entourage, tentent de repenser le statut, la dignité et la formation des maîtres, cette anecdote que raconte George Steiner. Deux choses à vous dire, lance-t-il aux étudiants de Harvard qui, au lendemain de Mai 68, le chahutent. Primo, je sais tout, vous ne savez rien. Secundo, j’ai juré devant Dieu de tout faire pour renverser la situation en votre faveur.

Vos idées personnelles ? demande un journaliste qui m’interroge sur le nouveau choc pétrolier et à qui je réponds par des considérations sur le concept de « puissance » chez Nietzsche et Heidegger. Pas d’idées personnelles, je lui dis. C’est une affaire trop sérieuse, la pensée, pour être laissée aux seules personnes.

Si Poivre d’Arvor était « moderne », il intitulerait son livre « PPDA roman ». Ou « 120 francs ». Comme il n’est pas « moderne », comme il joue sa partie à l’ancienne et que son registre est, paradoxalement, celui de la distance et de la pudeur, il fait juste le contraire et situe son nouveau roman, L’irrésolu, dans un XIXe siècle qui voit naître l’anarchisme et la grande presse. Statut de ces écrivains qui dessinent leur autoportrait à l’envers et vont le plus loin possible chercher ce qui leur est le plus proche ?

On peut penser ce que l’on veut – dans mon cas, plutôt du bien – du Bérénice diffusé la semaine dernière par Arte et interprété par Depardieu et Carole Bouquet. Mais il y avait dans le geste même, il y avait dans le fait que l’un des plus grands acteurs français vivants s’empare ainsi du chef-d’œuvre de Racine et mette en jeu son poids, son crédit, tout son formidable corps et sa frénésie d’incarnation pour l’imposer de la sorte à une heure de très grande écoute, il y avait, oui, dans le spectacle même de ce corps en métamorphose perpétuelle qui semble n’en plus vouloir finir de prendre la forme de Monte-Cristo, Obélix, Jean Valjean et, maintenant, Titus, quelque chose de très beau, de très émouvant – et qui, à soi seul, mérite le respect.

Trois nouveaux Cubains déboutés de leur demande de droit d’asile en France et renvoyés, illico, dans les geôles de Castro. Toujours, pour celui-ci, la clause de la dictature la plus favorisée ?

Mathieu Lindon condamné en appel pour son roman sur Jean-Marie Le Pen. L’affaire fait moins de bruit – alors qu’elle est infiniment plus grave – que l’interdiction de Baise-moi. Pourquoi ?

Cette campagne pour le quinquennat est un festival de non-dits. Comment n’y réagirions-nous pas par un gigantesque non-vote ?

Dans les Lettres luthériennes de Pasolini, rééditées ces jours-ci, ces mots qui visent la « jeunesse » de l’époque mais semblent écrits exprès pour un certain cinéma d’aujourd’hui : « rhétorique de la laideur »… « championnat du malheur »… « s’appliquer à ne pas rayonner »…

Un ministre de Barak : « nous sommes, avec les Palestiniens, d’accord sur l’essentiel ; ne reste à régler que la question de Jérusalem ». La phrase n’a aucun sens. Car cette guerre israélo-palestinienne, qu’est-ce d’autre que, précisément, une guerre pour Jérusalem ? une guerre de messianismes, d’eschatologies concurrentes – une guerre pour l’appropriation de la Ville sainte et pour cela seulement ?

Êre soi, dit toute une tendance de la littérature contemporaine. Soit. Mais quel soi ? Et si soi n’existait pas ? Et si c’était plus compliqué que cela, et beaucoup moins intéressant, de savoir le soi que je suis ? J’y reviendrai.


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