L’indignation de Péguy face à Dreyfus acceptant sa grâce. Celle de Benda, au même moment, refusant de porter le toast au dîner fameux de La Revue blanche. Bové n’est pas Dreyfus. Les deux affaires n’ont, cela va sans dire, rigoureusement rien de semblable. Mais enfin… Que ne relisent-ils Péguy et Benda, tous ceux qui, à longueur de colonnes, réclament la grâce présidentielle pour le leader syndicaliste emprisonné (lequel, au demeurant, fait montre d’une tout autre dignité lorsque, dans une interview au Monde, il refuse de « se mettre à genoux devant Chirac ») !

La « joie d’enfant » de l’écrivain qui trouve, dit Valéry, une « métaphore heureuse ». Pourquoi heureuse ? Qu’est-ce qu’une métaphore réussie ? Une voie d’accès à l’être ? Un secret enfin percé ? Ou, juste, un cache-misère ?

Picasso : je trouve d’abord ; je cherche après.

Enfin des politiques qui, en Israël comme chez les Palestiniens, paraissent avoir compris que la juste séquence n’est pas : double reconnaissance, amour, petits pas et, au bout du processus, la paix enfin conclue (en gros, la mécanique d’Oslo) ; mais : paix d’abord, compromis maintenant – et ensuite, si Dieu le veut, comme une sorte de conséquence, la double reconnaissance, le respect mutuel, l’amour (ce que, d’un mot, j’ai appelé, naguère, la « paix sèche »). Mazen donc, malgré tout. Et quoi qu’on en dise, Sharon Archav.

Définition de la langue de bois : minimum de sens, maximum de codes.

Raffarin à Saint-Pétersbourg, tandis qu’agonise – toujours – la Tchétchénie : « je sais parler la langue de l’euro et la langue du rouble ; mais, ici, je veux parler la langue de l’art et de l’âme. » Comme dirait Nietzsche : « l’usine règne ».

Un an, tout juste, qu’a disparu Paul Guilbert. Son élégance. Son mystère. Cette parole imprenable, presque ailée, qui nous a, pour quelques-uns, si profondément éduqués. Cette façon de penser des histoires sans les publier, à l’heure où tant de ses contemporains ne pensaient qu’à publier. Ce sentiment, enfin, qu’écrire rend le discours vulgaire, que c’est toujours bien mieux de le parler – et qu’il faudrait pouvoir, au fond, ne rédiger les livres que dans sa tête. Le seul vrai dandy que j’aie connu.

Ce vendredi 4 juillet, diffusion, sur France 2, du deuxième volet d’Un parcours algérien, d’Hervé Bourges et Alain Ferrari. Je reconnais aussitôt la patte du réalisateur, mon complice de naguère, l’homme avec qui j’ai fait Bosna ! et Les aventures de la liberté, Alain Ferrari : son sens du paysage, son goût de filmer les visages en très gros plan, son attention presque maniaque aux silences qui en disent plus long que les mots, le soin pris au montage (seul porteur, selon lui, de la signification du tout) et à la bande-son (musique de Denis Barbier, qui composa naguère la partition de mes films). Quant à Hervé Bourges (qui fut, soit dit en passant, un autre ami de Paul Guilbert), il tente, dans ce Parcours, un pari difficile mais audacieux : mener de front deux types opposés de récits, deux paroles allant ensemble et, parfois, se séparant – la première relevant des Mémoires personnels, la seconde du témoignage recueilli, le tout donnant un curieux objet filmique dont on ne sait, par moments, s’il évoque l’Algérie d’hier ou annonce celle d’aujourd’hui. Un regret : pourquoi le héros du film n’a-t-il pas voulu s’expliquer sur le rôle exact qu’il a tenu tant auprès de Ben Bella que, ensuite, d’Abdelaziz Bouteflika ? Modestie ? Orgueil ? Blessures encore trop vives ? Et que faut-il entendre, donc, entre les images ?

Ce qui – pas toujours, pas ici – signe la différence de la télévision et du cinéma : sa façon de faire alliance avec le spectateur sur le dos des personnages.

Un grand délinquant, un spécialiste de l’abus et de la confusion des pouvoirs, un pitre, un parrain, prend la présidence de l’Union européenne pour les six mois qui viennent. Quelle honte ! Et pour Giscard d’Estaing, qui donne, au même moment, son beau projet de Constitution européenne, quelle mauvaise concordance des temps, quelle malchance !

Deux reporters, un Français et un Belge, Vincent Reynaud et Thierry Falise, condamnés – avec leur « fixer » américain – à quinze ans de prison pour avoir tenté de mener l’enquête, avec des visas de touriste, sur une zone de guérilla, au Laos, interdite à la presse. Combien de fois faudra-t-il dire que le métier des journalistes, leur mission, leur honneur, est d’aller, justement, dans les zones en principe interdites ? Combien de fois faudra-t-il répéter que, pour cela, pour se rendre dans ces zones grises, pour parvenir à explorer cet envers de la planète et de son histoire contemporaine, tous les moyens, ou presque, sont bons ? Face à cette parodie de justice, face à cette nouvelle insulte faite à la liberté de la presse dans le monde, on attend une réaction vive, et forte, et offensive de la France.


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