Pour ou contre les essais ? Plutôt pour, évidemment. Ne serait-ce qu’à cause de la campagne de désinformation, sans précédent depuis longtemps, lancée par les Gaillot, Cousteau et autres écolos. La fin de la guerre froide, nous disent-ils, rendrait « inutiles » ces essais. La vérité est, évidemment, inverse : c’est parce que la guerre froide est finie, parce que les vieilles menaces ont disparu et que d’autres se profilent, c’est parce que l’ancien monde s’est écroulé et que de nouveaux désordres surgissent, prospèrent, prolifèrent, qu’il était urgent de repenser, et moderniser, nos arsenaux. Bon sens. Évidence. Et chez ces militants étranges (que l’on aurait apprécié, soit dit en passant, de voir aussi inquiets du sort des enfants de Sarajevo que de celui des mollusques et poissons du Pacifique), une passion de l’ignorance que l’on ne connaît hélas que trop…
L’œuvre de Michel Foucault réduite à une affaire de sida, d’homosexualité, de sadomasochisme. Monsieur Homais devenu critique. L’œil du valet de chambre promu au rang de méthode. On tremble devant tant de bêtise. On aimerait ne rien dire si la presse, déjà, ne se faisait l’écho de ce monument de philistinisme.
Le plus beau dans La cérémonie de Chabrol : le traitement qu’il inflige à ses personnages et, d’abord, à Huppert et Bonnaire. Des actrices célébrissimes. Donc saturées d’images et de rôles. Et le génie d’un œil que l’on ne sent soucieux, au fond, que d’une chose : chez l’une comme chez l’autre, traquer l’irrégularité ultime, la faille inexplorée, cette fêlure secrète, inaperçue jusqu’à lui, qui sera, dès lors, sa ressource, et comme son gisement le plus précieux. Un regard. Une expression qui s’éternise. Et c’est le contre-emploi qui va, l’espace du film, éclipser tout ce que l’on savait des comédiennes et de leurs jeux.
Défendre le cinéma d’auteur… Est-ce à dire qu’il y ait un cinéma sans auteur, contre lequel il s’insurgerait ? Et quid d’une littérature où se ferait le même partage – livres avec auteurs et livres sans auteurs ? C’est une conversation avec Alain Sarde : l’un des producteurs français qui sait – et pour cause ! – de quoi il parle quand il évoque ce combat pour les images, contre le cliché…
Le terrorisme « gagne » la France ? Erreur. Il y est né. Dans l’ombre des poseurs de bombes d’aujourd’hui, au fond de leurs poubelles et de leurs bouteilles de gaz, le spectre de ces « terroristes de proie » qui, il y a très exactement deux siècles, inventaient et la chose et le mot. Bizarre que, de ce bicentenaire-là, il ne soit nulle part question.
Dans la nouvelle émission de Guillaume Durand, les premières images de Mitterrand en son Irlande, c’est-à-dire à Latche. Les ânes du Président. Ses arbres centenaires. Ses dindons. Les jus d’herbes, et les mixtures, que lui prépare une sorte de gendre écolo. Et puis, soudain, au hasard d’un mouvement de caméra, une page du manuscrit sur lequel il semble travailler. On regarde, forcément. On cherche, un peu malignement, à lire. Et voici – quelle ironie ! – les seuls mots que l’on déchiffre : « Pétain avait dit… »
Günter Grass n’est pas mon romancier préféré et je n’attendais personnellement pas de miracle de ce « grand roman de la réunification » que l’on nous annonçait régulièrement, et pompeusement, depuis des années. Mais de voir la presse allemande se déchaîner ainsi contre lui, de voir tant de critiques rejoindre les responsables politiques les plus obtus pour fustiger la « trahison » de l’écrivain et retrouver le ton des insultes lancées autrefois à la face d’un Willy Brandt coupable, lui, d’avoir, en pleine guerre, préféré porter l’uniforme norvégien que celui des nazis, ne peut évidemment inciter qu’à la solidarité immédiate, quasi inconditionnée. Nationalisme esthétique ? Appel au patriotisme littéraire ? Tout ce dont la littérature souffre et, à la longue, meurt. Défendre Grass contre la conjuration des imbéciles. Et ensuite, ensuite seulement, faire ce qu’ils ne font pas – et le lire.
Le nouveau livre de Sarraute. Cet autre désir d’anonymat – comme toujours, chez les très grands.
Que M. Poulet-Dachary, adjoint au maire – Front national – de Toulon, ait été victime d’un crime politique ou crapuleux, ce n’est pas à moi d’en juger. Mais je m’entends dire en revanche, à Toulon justement, l’été dernier : ce parti qui se veut « pur » et oppose aux « turpitudes » de « l’établissement » l’urgence d’une opération « mains propres » à la française est, en réalité, le plus louche, le plus faisandé de nos partis. Le Front national et ses voyous. Le Front national et ses repris de justice. Le climat de haine, et de prévarication, qui semble y régner et s’installe là où il triomphe. Avec Le Pen ? Non pas moins, mais plus, d’insécurité, de corruption, de crime.
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