« Tantôt ce sont les images qui sont aux commandes – et elles sont souvent atroces – tantôt ce sont les mots… Je me suis servi de toutes les armes qui sont les miennes pour faire passer ce message simple et terrible : non, le monde ne peut pas continuer à se voiler la face. Ouvrons les archives, montrons la guerre dans son horreur, c’est le meilleur service que l’on puisse rendre aux Bosniaques pour qu’on ne puisse pas dire, comme en 1942 : nous ne savions pas… »
Sur la cadence d’un Malraux nerveux, la voix fougueuse de Bernard-Henri Lévy martèle, raconte, détaille, entraine le spectateur et, soudain, tout devient clair, net, évident. Trêve de finasseries diplomatiques, plus de langue de bois, les images et les mots sont aux commandes, en effet, pour nous dire pendant deux heures, avec une simplicité effrayante, l’enchainement inéluctable des faits qui conduisent au massacre d’un peuple Non, vous n’oublierez pas ce cri d’un général serbe qui ordonne par radio à ses tireurs embusqués : « Allez-y, tirez, faites-moi exploser ces têtes, taillez dans la chair, on va leur montrer qui on est… » Non, vous n’oublierez pas cette visite à l’école bombardée, le sang et les éclats de crânes d’enfants encore collés sur les murs ou ils ont éclaboussé leurs pauvres dessins déjà désespérés… Non, vous n’oublierez pas le visage du directeur de la morgue de Sarajevo, qui feuillette le registre des victimes jusqu’à ce que son doigt s’arrête sur le nom de son fils : qu’il a dû écrire lui-même, parmi des milliers d’autres…
C’est cela, le film de BHL, la tragédie saisie au quotidien, le cri d’un intellectuel qui veut faire comprendre et partager au plus grand nombre son indignation, en expliquant avec rage et patience pourquoi cette « Jérusalem de l’Europe » belle ville cosmopolite où cohabitaient dans la douceur de vivre races et religions, est devenue synonyme de charnier. Sons, cris, combats, musique, paroles, documents, interviews s’agencent et se tissent dans une toile magnifiquement montée, construite, comme seul le cinéma pouvait le faire, loin de la télévision et d’un Audimat qui débouche sur l’autocensure.
Le sang de Bosna ! éclaboussera les fauteuils à Cannes et ailleurs. Pensez aux nuages qui s’amoncellent sur l’Europe, et osez aller le regarder en face vous ne pourrez plus jamais parler comme avant de Sarajevo. C’est l’immense talent de Bernard-Henri Lévy que d’être parvenu à ce résultat, en faisant beaucoup plus qu’un film…
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