New York.
Cinquante jours, tout juste, avant cette élection que j’ai bien l’intention de suivre pas à pas.
Et un John McCain qui, dopé par l’effet Sarah Palin, cette ancienne reine de beauté dont il a fait sa colistière, est en train de reprendre la main.
Que disent les amis d’Obama ? Ils disent qu’il faut cibler Palin. McCain, bien sûr.
McCain, par définition.
Mais Palin, d’abord. Palin, de toute urgence. Car Palin est l’« histoire » du moment, mais, comme toutes les « histoires » de ce type, elle peut ne durer que le moment et, le moment passé, devenir, non le point fort, mais le point faible, le boulet, de McCain.
Les hypocrisies, donc, de Palin.
Les mensonges de Palin, son goût pour le népotisme. Les incompétences terrifiantes d’une Palin qui, interrogée par ABC sur ce qu’elle pense de la fameuse « doctrine Bush », montre qu’elle n’a pas la moindre idée de ce que cette doctrine peut signifier.
La folie que ce serait de remettre les clés de la Maison-Blanche à une femme sans expérience qui voulait, en 2006, quand elle était candidate au poste de gouverneur de l’Alaska, faire enseigner dans les écoles, comme si c’était la même chose, cette science qu’est le darwinisme et cette escroquerie qu’est le « créationnisme ».
Les amis d’Obama pensent qu’il doit s’adresser solennellement, gravement, aux femmes de son pays pour leur demander si elles sont prêtes à se reconnaître dans cette caricature de femme libre qui prétend retirer à ses semblables l’un de leurs droits le plus chèrement acquis, le droit à l’avortement.
Ils soulignent, et disent qu’il faut souligner, le cynisme, l’absence de cœur et de sentiment dont il faut être habité pour venir exhiber devant les délégués de son parti et, au- delà d’eux, les caméras du monde entier ce qu’une femme, une mère, a de plus cher : un enfant malade et, en la circonstance, trisomique.
Ne le ferait-il pas, hésiterait-il, parce qu’il est un homme, à cibler directement cette femme et à la victimiser qu’il faudrait trouver une femme pour faire le travail, une autre femme, et pourquoi pas, dans ce cas, devinez qui, la sénatrice en personne… la femme qui, au Parti démocrate, voue, selon toute vraisemblance, la haine la plus tenace à Obama, mais qui ne peut pas le dire et n’a d’autre solution, si elle veut préserver son avenir, que de porter clairement ses couleurs : « je suis une femme ; je suis une mère ; jamais, si mon enfant avait été malade, je ne l’aurais exposé à cette pression, cette torture, qu’est la confrontation physique aux caméras du monde entier ».
Les amis d’Obama lui conseillent aussi, naturellement, d’oublier la « story » Palin, de passer outre le « storytelling » à la mode Sarah Palin et de revenir, très vite, aux fondamentaux, aux grands thèmes de sa campagne.
Quelle Amérique il défend…
Ce que, à ses yeux, être un Américain veut dire…
La place que tient, dans sa vie, l’idée de Dieu et qui la lui a inculquée…
Comment il est le seul, parce qu’il représente une minorité visible mais n’en défend pas moins l’idéal citoyen de la Convention de Philadelphie, à pouvoir arracher l’Amérique au mauvais démon de la guerre des minorités, de l’enfermement dans les ghettos, des communautarismes en rivalité, voire en guerre (alors que le slogan de Palin est moins La nation d’abord que L’Alaska aux Alaskiens)…
Comment il est le seul, parce qu’il est noir sans l’être et que sa part noire ne vient pas de l’Alabama mais du Kenya, à pouvoir s’adresser aux Blancs sur un autre mode que celui du reproche, de la culpabilisation, de la mauvaise conscience – le seul, en conséquence, dont l’image et le visage ne renvoient pas automatiquement la majorité silencieuse de l’Amérique à son passé de crime et d’abjection racistes (alors que McCain… ah ! le côté revanche des petits Blancs que signifierait l’élection de John McCain…).
Pourquoi il est le seul, encore, à pouvoir résorber la fracture qui s’annonce et qui, si elle se creusait, serait une catastrophe culturelle, métaphysique, donc politique, pour l’Amérique : cette fracture entre juifs et Noirs, cette rupture de la grande alliance nouée, dans les années 1960, entre les deux minorités et qui a été l’honneur, le moteur, l’aiguillon de la grande Amérique réformatrice et de ses batailles – gagnées – pour les droits civiques (alors qu’une Amérique maccainisée serait une Amérique où le divorce serait consommé et la régression assumée).
Et je ne parle pas de ces mesures de santé publique, de rénovation urbaine ou de lutte contre la grande pauvreté qui sont dans son programme, qui ne sont pas dans celui de McCain et qui sont le seul moyen, par-delà même les exigences de justice sociale, d’empêcher que le pays ne plonge, pour de bon, dans la crise et le déclin.
Je ne suis pas américain.
Je n’ai rencontré Obama que deux fois dans ma vie. Mais je pense que ses amis ont raison.
Et je continue de penser que, s’il dit et fait cela, il gagnera cette élection.
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