Dans un petit livre clair et dense, Bernard-Henri Lévy répond à la question : « Comment philosophe-t-il ? », que lui avait posé l’Institut d’études lévinassiennes de Paris. A cette question, BHL répond d’abord : en luttant plus que jamais contre la morosité assourdissante des anti-intellectuels et des néomarxistes en rupture avec la recherche de la vérité. Mais il ne suffit pas de croire à la philosophie : dans « faire de la philosophie », disait son maître Louis Althusser, le mot important n’est pas « philosophie » mais « faire ». Et « faire », ce n’est pas procéder par aphorismes et intuitions, mais tenter de former non seulement des concepts, mais de les architecturer dans un système : « C’est parce que le monde est tout sauf un système, un ordre, une harmonie, c’est parce qu’il est menacé, en permanence, d’implosion et que nous sommes en proie à un vertige constant lié à ce risque d’implosion, c’est parce que nous avons à faire au chaos, au tumulte, à l’avalanche et à toutes les formes possibles de catastrophe, qu’est requise la systématicité philosophique. »
Partant de là, BHL ne croit pas que l’Université soit le bon lieu pour philosopher, car la philosophie se fait seul. Fille du tumulte et de la guerre, elle se fait, comme le pensaient les Grecs, dans la rue ou sur les places publiques, ou comme l’a longtemps pensé à Michel Foucault, à partir des asiles et des prisons. Contre ceux qui pensent que l’échange et la confrontation des points de vue sont la voie royale de la philosophie, il ne connaît qu’une façon d’avancer dans la pensée qui est de « penser avec sa propre tête ». Car la philosophie n’est pas une amie de la sagesse et du bon sens, mais de la vérité. L’art de philosopher ne vaut que s’il est un art de la guerre, comme le pensait Nietzsche. En 1945, Merleau-Ponty posait la question de la profonde inutilité des deux grands philosophes de l’entre-deux-guerres, Bergson et Brunschvicg qui n’ont rien vu venir, rien dénoncé. Et de conclure : « La fonction de la philosophie pour moi, c’est de penser, et de tenter de penser, la violence, le surgissement, l’imprévisibilité, parfois l’horreur de l’événement. » De cette ligne de conduite, l’auteur du Testament de Dieu nous donne une illustration appréciable dans le onzième volume de ses Pièces d’identité. Il y a réuni ses écrits journalistiques, des textes de circonstance, des interventions notamment sous forme d’interviews, de 2004 à 2009. Il y traite aussi bien de la question du mal que du Génie du Judaïsme, de Jean Genet que de Sarah Palin, de Ségolène Royal que de Barack Obama.
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