Ainsi donc, nous avons une candidate, Marine Le Pen, qui :

1) s’entoure de voyous, anciens du groupuscule étudiant d’extrême droite GUD, à qui elle a donné les clés de sa campagne et qui sont, comme MM. Loustau ou Chatillon, des nostalgiques du nazisme ;

2) ne parvient pas à se libérer des obsessions antisémites de ce père que la petite comédie familiale aurait tant aimé transformer en aïeul shakespearien mais dont les manies sont comme des tares sautant, en mode Zola, d’une génération à la suivante (« non, la France n’est pas responsable de la rafle du Vél’d’Hiv ») ;

3) préside le parti le plus népotiste, affairiste, corrompu du paysage (cf. la galaxie d’organisations soupçonnées par la justice d’être des pompes à phynance directement branchées sur les fonds publics nationaux et européens) ;

4) se sert, pour le reste, des banques d’un pays, la Russie, qui n’est pas exactement un pays ami et dont l’intervention dans la campagne est proscrite par la loi ;

5) a pour habitude de se désolidariser de son propre pays chaque fois que celui-ci est engagé soit dans une épreuve de force diplomatique (Crimée), soit dans des opérations militaires à haut risque, en particulier pour ses soldats (Libye, Syrie) ;

6) défend un programme de sortie de l’euro dont les économistes sérieux s’accordent à dire qu’il aurait pour effet de nous isoler, de faire flamber nos taux d’intérêt et de réduire de 10 %, 20 %, peut-être 30 %, l’épargne des ménages les plus modestes ;

7) ne peut que dresser les uns contre les autres des citoyens renvoyés à leurs « communautés » et chauffés à blanc par des passions « identitaires » dont l’exemple viendrait, soudain, d’en haut.

Nous avons un autre candidat, Jean-Luc Mélenchon, qui :

1) s’est doté d’un programme assez semblable de creusement des déficits et de sortie de l’euro qui, loin de nous libérer de la tutelle des marchés financiers, renforcerait leur emprise ;

2) y ajoute l’admiration pour un régime, le chavisme, dont toute la performance est d’avoir transformé l’un des pays les plus riches d’Amérique latine en une nation d’assistés dont les trois quarts vivent, aujourd’hui, sous le seuil de pauvreté ;

3) nourrit le projet étrange de nous faire sortir de l’Otan pour nous rapprocher d’une autre alliance qui s’appelle l’Alliance bolivarienne et où l’on retrouve, outre le Venezuela et Cuba, des pays « observateurs » aussi sympathiques que l’Iran, la Syrie ou, de nouveau, la Russie ;

4) se garde de condamner ces pays lorsqu’ils font, comme en Tchétchénie, la chasse aux gays ; ou qu’ils lapident, comme à Téhéran, les femmes adultères ; ou qu’ils massacrent, sous Bachar el-Assad, leurs enfants au gaz sarin ;

5) accueille dans son comité de campagne des responsables (on pense à Clémentine Autain) qui font volontiers un bout de chemin avec tel Indigène de la République, tel porte-parole du Comité contre l’islamophobie en France ou tel propagandiste proche, comme Tariq Ramadan, des Frères musulmans ;

6) estime que les manifestants anti-israéliens qui ont, en juillet 2014, attaqué, à coups de parpaings, les synagogues des Tournelles, de la Roquette et de Sarcelles ont su « se tenir dignes et incarner mieux que personne les valeurs fondatrices de la République » et que, s’il y a eu, alors, une faute à « dénoncer », c’est celle de « nos compatriotes qui ont cru bien inspiré d’aller manifester devant l’ambassade d’un pays étranger » (autrement dit la poignée de concitoyens juifs qui sont allés, à l’appel du CRIF, sa bête noire, dire leur solidarité avec la démocratie israélienne et observer, ce jour-là, une minute de silence à la mémoire des victimes israéliennes et palestiniennes de la guerre à Gaza) ;

7) se voit adouber, malgré lui, par Jean-Marie Le Pen (c’était la une, le 12 avril, de l’hebdomadaire d’extrême droite Minute) ou par Patrick Buisson (cet ex- conseiller de Nicolas Sarkozy qui, si l’on en croit Le Mauvais Génie, livre-enquête publié en mars 2015 par deux journalistes du Monde, Ariane Chemin et Vanessa Schneider, fut aussi, plus officieusement, celui du candidat de La France insoumise).

Chacun, dimanche prochain, choisira en son âme et conscience.

Et l’on ne saurait renvoyer dos à dos ces faux jumeaux qui n’ont ni la même généalogie ni le même horizon politique.

Mais l’on voit mal comment l’on pourrait concilier ces deux votes sombres avec le souci de la chose publique qui est le ciment de la République.

Il est difficile d’être, à la lettre, républicain sans faire encore un effort pour que l’un et l’autre soient empêchés de gouverner la France.

En sorte que si l’on écarte les candidatures farfelues (Cheminade, Asselineau, Lassalle), les candidatures de témoignage (Poutou, Arthaud, Dupont-Aignan) ou la candidature avortée de Benoît Hamon, il reste deux votes véritablement utiles et, au fond, une alternative : Macron et Fillon ; ou Fillon et Macron ; soit, dans l’ordre que l’on voudra (pour ma part, je le rappelle, c’est résolument Macron), la possibilité, au second tour, du seul débat qui vaille et qui sera celui, irréductible, éternellement relancé, mais essentiel et même vital, des républicains progressistes et des républicains conservateurs.

La démocratie n’offre jamais le choix entre le bien et le bien.

Elle compose avec le moindre mal dans l’espoir de conjurer le pire.

Et le moindre mal aujourd’hui, c’est de voter, nonobstant les entorses à la morale de l’un et les maladresses politiques de l’autre, pour l’un des deux Européens de France capables de nous éviter le naufrage annoncé.


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