Paraphrasant Sartre, Bernard-Henri Lévy se pose la question de savoir si les intellectuels sont coupables. De quoi ? De se donner en spectacle, de se taire quand il faudrait hurler, de trop parler quand il vaudrait mieux se taire, de se laisser récupérer par « le » politique. Bref, les intellos vivent un malaise qui va croissant dans une société où leur place est grignotée par les Tapie, les magnats de la pub, les « vedettes » de la télé. On leur « lève la parole », on les sous-estime ou on se moque d’eux. Et, le pire, c’est qu’ils jouent le jeu, se laissant récupérer par la droite ou la gauche. Quand ça n’est pas par les deux.
Les intellectuels ont une place de plus en plus ténue dans notre société : les technocrates, les politiciens, les scientifiques de tous bords, les médias occupent le devant de la scène. Plus de brillants philosophes, plus d’écrivains d’exception, plus de culture à l’état pur. Seulement un mélange ambigu de doctrines, de dogmes, de marches à suivre et de soumissions veules. Autant de signes néfastes qui pourraient avoir « des conséquences funestes sur notre destin à tous ».
En 154 pages, Bernard-Henri Lévy tire la sonnette d’alarme d’une société vautrée dans l’irréalité et les apparences, au sein de laquelle les intellectuels – particulièrement les écrivains – oublient de plus en plus « le caractère irréductiblement rebelle, asocial de l’écriture ». Emmuré dans sa mauvaise conscience depuis Sartre et Aron, l’intellectuel transcende ses remords par « l’engagement, figure de la mortification » et « abandonne à de mauvais champions les estrades où, désormais, tout se joue ».
L’époque n’est pas au silence. Mais bien à la révolte par les mots – et les actes – qui troue l’opaque indifférence des majorités de tout poil de notre siècle : de la guerre d’Espagne à Mai 68.
« La saison s’y prête. Il est temps encore de livrer bataille en plein jour » pour tous les « clercs » qui refusent la chape sombre de la récupération et du silence stérile.
« Nous ne sommes pas ces troglodytes, ni ces chrétiens des catacombes, ni même ces élus savourant en secret les ivresses d’une connaissance vomie par l’époque ».
Qu’on se le dise.
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