On croit connaître Bernard-Henri Lévy. Entre écriture, édition, films et politique, sans oublier théâtre, glamour et polémiques, la figure de « BHL », depuis plus d’un demi-siècle, passe d’éditoriaux en plateaux de télévision, et de romans en essais, suscitant déférence ou indifférence, aversion ou sympathie. Derrière ce tourbillon aux facettes multiples, on n’a pas assez remarqué qu’une seule vraie constante fonde ses combats éthiques et politiques : Israël – nom d’un peuple, d’un destin et, depuis 1948, d’un État.
On ne pourra plus l’ignorer après avoir lu Solitude d’Israël, livre vibrant, tendu, fiévreux, qui fait front, avec courage et fierté, à la tempête en cours, et restera certainement comme un temps fort de son parcours. Car ce texte de résistance sonne juste et vrai, en raison de ce qui le porte en l’anime de bout en bout : la fidélité profonde envers le peuple juif, son histoire et ses valeurs. L’écrivain n’a cessé de la proclamer, depuis Le Testament de Dieu (Grasset, comme la plupart de ses livres, 1979) jusqu’à L’Empire et les cinq rois (2018), en passant par L’Esprit du judaïsme (2016). Mais, cette fois, face aux périls et à la haine, son engagement et sa ferveur redoublent d’intensité.
Parce que les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre 2023 ont ouvert une nouvelle époque : « Jamais depuis la Shoah par balles, l’on n’avait vu des juifs massacrés ainsi, à bout portant, juste parce qu’ils étaient juifs. » Ce déchaînement de haine et d’inhumanité absolues a ébranlé le monde. Triplement, explique Bernard-Henri Lévy : l’événement a bouleversé l’« âme juive », découvrant soudain, avec effroi, qu’il n’y avait peut-être plus de refuge sur terre où vivre en sécurité ; il a secoué la « conscience universelle », constatant, médusée, la pérennité du « mal pur » ; il a remanié l’ordre géopolitique, où les empires ont commencé à se réorganiser selon une nouvelle donne.
Très vite, malgré tout, l’ampleur du séisme a été estompée. Une armée d’effaceurs zélés s’est mise en marche. La plume du polémiste dénonce alors les multiples omissions, euphémismes et contorsions qui visent à gommer la responsabilité du Hamas et à amplifier celle d’Israël. De la France insoumise à l’ONU, en passant par la Croix-Rouge et l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, il épingle les inversions sémantiques et la cécité calculée.
Il écarte les accusations de colonialisme, d’apartheid, de bellicisme qui visent à mettre en cause la légitimité, et même l’existence, d’Israël. Il évoque aussi, sans esquiver, le scandale de la mort des enfants de Gaza, pour souligner que la responsabilité en incombe d’abord aux terroristes, « dans cette guerre atroce que les Israéliens n’ont pas voulue ». Partisan depuis toujours d’une solution à deux États, Bernard-Henri Lévy défend à la fois la nécessité de détruire le Hamas et de combattre les dérives des extrémistes d’Israël, au nom du sionisme vivant, conscient de la grandeur morale de l’héritage juif.
Ce livre sans illusions n’est pas sans espoir. Analyse, pamphlet et plaidoyer, traversé de colère et d’angoisse, porté par l’urgence immédiate et la mémoire longue, il est soutenu par un chant d’amour. Dans la complexité des ténèbres, malgré l’atrocité de la guerre, il clame que « l’âme, l’esprit et le génie du judaïsme tiennent bon ». Intime conviction : si ce n’était plus le cas, c’en serait fini de l’humain.
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