Voilà, ça recommence.
La France insoumise avait fait une pause pour cause de hold-up électoral.
Mais elle vient encore de frapper, par la voix du député Thomas Portes déclarant que les athlètes israéliens n’étaient pas « les bienvenus » aux Jeux olympiques.
Puis par celle de son collègue Aymeric Caron renchérissant que « le drapeau israélien » ne pouvait décemment pas « flotter à Paris cet été ».
D’aucuns minimiseront en expliquant que messieurs Caron et Portes sont des grenouilles à prétention bovine, des pions.
D’autres observeront que c’est avec les pions que l’on joue aux échecs et qu’il y a là, hélas, les signes d’une partie très précisément calculée par ce nouveau Néron qu’est devenu monsieur Mélenchon et qui mesure son action à la hauteur des flammes qu’il laisse après lui.
La réalité est là.
Une vague antisémite sans précédent, je le dis depuis des mois, s’est levée dans notre pays.
Avec ces déclarations qui rouvrent, qu’on le veuille ou non, la plaie restée béante depuis le massacre des athlètes israéliens, aux JO de Munich, il y a cinquante ans, elle monte encore d’un cran.
Et la vraie, la seule, question est de savoir comment on se conduit face à ce déferlement, cette tempête suspendue, les toiles d’araignées visqueuses que tissent ces Insoumis de tragi-comédie et où ce sont, non seulement les Juifs, mais la France qui se voient soudain pris au piège.
La première des répliques doit être de ne plus tergiverser, d’arrêter les distinguos soi-disant subtils entre antisémitisme d’atmosphère et de structure, de circonstance et ontologique, si on peut être anti-israélien sans être antisioniste, antisioniste sans être antisémite, patata, patati.
Elle devrait être d’appeler un chat un chat et d’admettre qu’un parti, LFI, capable de dire à des athlètes juifs qu’ils n’ont pas leur place dans la communauté des hommes venus à Paris, en principe, rappeler leur inentamable fraternité est, sans discussion possible, un parti antisémite.
Elle consiste à dire et répéter qu’aucune indulgence, alliance ou négociation n’est concevable avec des gens qui, s’ils ne souhaitent pas explicitement la mise à mort des athlètes de Tel-Aviv, réactivent déjà, au cas où, le théorème du 7 Octobre justifiant le massacre par la « juste lutte » des victimes palestiniennes.
Les apprentis sorciers de la gauche de gouvernement, qui avaient déjà laissé ces canailles souiller le beau mot d’insoumission et qui tolèrent maintenant que soient salies la mémoire du Front populaire et celle de Léon Blum, devraient enfin convenir qu’ils ont commis une erreur historique et en tirer, à l’Assemblée, les conséquences. La première chose à faire, oui, à droite comme à gauche, chez tous les démocrates de probité et de cœur, serait de tracer autour de ces gens qui ont pris, comme jadis Déat et Doriot, la direction du chœur français de l’infamie, un cordon sanitaire républicain.
Mais la question, c’est aux Juifs même qu’elle s’adresse.
Certains, face au torrent de boue vomi par le marécage Insoumis, sont tentés, comme dans les années 1930, de faire profil bas, de mendier l’approbation et d’espérer qu’on les oublie.
D’autres, de plus en plus nombreux, partent vers une terre d’Israël en proie à une guerre existentielle mais jugée moins cruelle que cette terre de France devenue, à leurs yeux, inhabitable car laissée à une meute de plus en plus débridée, décomplexée, venimeuse.
Je respecte leur décision et ne suis pas assez sage pour recommander à quiconque quoi que ce soit.
Mais tel n’est pas, aujourd’hui, mon choix.
D’abord parce que les Juifs ont, eux aussi, bâti la France et que, de Rachi aux inventeurs du contrat social à la française puis à Proust, Bergson et au-delà, ils l’ont fertilisée de leur intelligence et de leur esprit.
Ensuite parce qu’il ne saurait être question d’abandonner ce beau pays à des salauds en train de réinventer la plus vieille des haines sous sa forme la plus massive, pâteuse, bestiale et même, pourquoi pas, « résiduelle » – mais à condition de se souvenir qu’un résidu est un déchet, un rebut, une ordure et que les ordures antisémites sont en train de devenir une masse épaisse, compacte, croissante, vociférante, mortifère.
Et puis parce que j’ai, dans ma jeunesse, beaucoup lu et fréquenté un écrivain, Albert Cohen, qui a enrichi l’âme juive d’un personnage de roman, Solal, dont la souveraineté, la noblesse, le mépris des âmes basses et de leurs affronts, bref, l’affirmation juive de soi, me sont un exemple jusqu’aujourd’hui.
Ne pas plier mais cingler.
Ne pas courber la tête mais toujours contre-attaquer.
Et, surtout, surtout, ne céder ni sur la pensée ni sur la haute, solaire, cassante singularité de ceux qui la portent depuis 3 000 ans.
Ceci n’est pas propos d’orgueil mais conscience aiguë, et active, du legs juif à l’aventure humaine.
Maintenir, en France, la splendeur du judaïsme : c’est, aussi, une obligation métaphysique.
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