Le documentaire de Bernard-Henri Lévy (co-réalisé avec Marc Roussel), L’Ukraine au cœur, Glory to the Heroes en anglais, poursuit sa tournée américaine. Après une projection à l’ONU, et une diffusion dans les cinémas de New York, Washington, Los Angeles, Chicago, Philadelphie, Seattle, mais aussi une sélection au Festival International du Film de Sedona, cette ode à la bravoure du peuple ukrainien est revenue, hier soir, sur ses pas, à Washington, dans un contexte de crise politique aux États-Unis.

Le 10 janvier a eu lieu une projection exceptionnelle de Glory to the Heroes au Capitole américain, temple du pouvoir législatif où siège le Congrès. Des membres du Sénat et de la Chambre des représentants étaient présents. Et ils ont vu. Oui, ils ont vu ces images ramenées par le philosophe-cinéaste, captées au plus près des combattants sur le front, mais aussi des civiles, victimes de la barbarie russe, dans son troisième film consacré à l’agression de l’Ukraine par Poutine. BHL a filmé la contre-offensive ukrainienne de l’été 2023, celle des citoyens-soldats et des militaires professionnels qui comptent les obus, et les rationnent, parce que l’aide réelle sur le terrain n’est pas à la hauteur des promesses occidentales. Ce sont les images de ce casse-tête stratégique, logistique, que le cinéaste a montré au Congrès. La salle, comble, a applaudit le film. N’était-ce pas aussi l’Ukraine qu’elle applaudissait ?

Bernard-Henri Lévy, requis par son combat, espère : « Mon film au Congrès des États-Unis. Gravité du moment. Si une poignée de ces femmes et de ces hommes, juste une poignée, a entendu le message, vu que ces héros qui nous demandent des dollars paient, eux, avec leur sang, et compris qu’il y va, vraiment, de nos sécurités nationales, la partie est gagnée et j’aurai fait tout ce qui m’était humainement possible pour aider l’Ukraine à gagner. »

Gagner, oui… Mais comment faire la guerre sans en avoir les moyens ?

La question mérite d’être posée si l’on considère que la Russie ne peut pas, ne doit pas gagner cette guerre.

Aider l’Ukraine, qu’est-ce que cela signifie ? De quelle aide parle-t-on ?

Zelensky l’a dit au président Biden : il n’a pas besoin d’un taxi mais de munitions. L’Amérique ne peut pas faire comme si elle n’avait pas entendu cet appel. Pourtant, l’aide ne vient pas. C’est dans ce contexte que l’Ambassade d’Ukraine aux États-Unis et le Congressional Ukrainian Caucus, groupe bipartisan de membres du Congrès qui ont en commun le vif désir de voir se renforcer les relations bilatérales entre l’Ukraine et les États-Unis, ont pensé à inviter Bernard-Henri Lévy à présenter son film qui montre les problèmes que pose le manque de matériel pour combattre. On ne peut vaincre Poutine avec des bouts de chandelles.

Pourtant, il y a urgence. C’est la maison Europe qui brûle en Ukraine. Mais la rallonge budgétaire de 61 milliards de dollars souhaitée par l’administration Biden à destination de l’Ukraine ne passe pas aux yeux des Congressmen républicains. La dernière tentative de vote de ce budget a échoué. Certes les USA ont déjà participé à l’effort de guerre pour soutenir les Ukrainiens, mais cette première vague d’aide touche à sa fin. Or, si ce soutien atlantique s’inscrit dans une véritable stratégie de victoire de l’Ukraine, une fois les munitions taries, l’aide doit être renouvelée. Il ne peut s’agir d’une participation ponctuelle, pour garder la face, et dire « j’y étais ». Le Ministre des Affaires Étrangères ukrainien Dmitro Kouleba a déclaré à ce sujet : « L’Ukraine se battra toujours avec les ressources qui lui sont données. Et ce qui est donné à l’Ukraine n’est pas de la charité. C’est un investissement dans la protection de l’Otan et dans la protection de la prospérité du peuple américain ». L’aide militaire américaine doit s’inscrire dans le temps long, dans le temps de la guerre jusqu’à ce que la paix advienne. Sinon, à quoi bon ?

Un nouveau vote doit avoir lieu dans les prochains jours. Les républicains du Congrès ont mis en place un chantage des plus retors : ils ne voteront le budget d’aide à l’Ukraine qu’à une condition, la mise en place d’un renforcement des mesures de sécurité à la frontière avec le Mexique. Un donné pour un rendu.

Puisse le film du philosophe avoir participé à la fin du bras de fer qui se joue entre républicains et démocrates, au profit d’une Ukraine renforcée. Une Ukraine à qui les États-Unis doivent envoyer – et vite ! – des signes de coopération et d’appui.

Quoi qu’il advienne, au Congrès, les images ont parlé. Elles portent en elles le courage de faire la guerre sans l’aimer, et la difficulté de mener à bien ce qui est juste sans en avoir les moyens. Cela doit changer. Il est temps.


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