« Tu sais, partout en Europe, le printemps arrive. Ici, en Ukraine, c’est l’hiver qui commence… » Des sanglots dans la voix, Inna Shevchenko, militante féministe d’origine ukrainienne, partage avec une salle silencieuse de près de 600 personnes le SMS que lui a adressé sa sœur le matin même. Droite sur la scène du théâtre Antoine, à Paris, où se tenait ce mardi 1er mars un « meeting de solidarité » avec les Ukrainiens et le président Volodymyr Zelensky, à l’initiative de Bernard-Henri Lévy et de la revue La Règle du jeu, elle raconte sa famille « dans un abri antibombe » et sa colère contre le « dictateur » Vladimir Poutine.

« Ce qui nous rassemble, c’est d’abord une immense anxiété », formulera en préambule de cette soirée de soutien le philosophe, évoquant tour à tour un président russe comme une « mauvaise mythologie […] qui s’enivre de ses missiles hypersoniques » et Volodymyr Zelensky, incarnation de « la grandeur de l’Europe ». Avant de laisser la parole, trois heures durant, à des responsables politiques, figures religieuses et intellectuelles venus manifester leur soutien au peuple ukrainien. Parce que « le silence est toujours complice ou trompeur », comme l’exprimera le grand rabbin Haïm Korsia.

Ainsi, après l’essayiste Caroline Fourest, les candidates à l’élection présidentielle Anne Hidalgo et Valérie Pécresse et le président de groupe à l’Assemblée nationale Christophe Castaner, l’ancien président de la République François Hollande prendra à son tour la parole. « Vladimir Poutine ne connaît que le rapport de force », rappellera l’ancien chef de l’État, mais « il est soucieux de son image. […] Vivre isolé, coupé, comme une cible est aussi une peine, une sanction ».

Le public, dans la communion, chante l’hymne ukrainien. Une dizaine de drapeaux se lèvent. Des vidéos d’artistes, comme la chanteuse Patti Smith, le cinéaste David Lynch, ou de figures antirégime ponctuent les prises de parole. Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, dont la venue n’était pas au programme, est invité à s’exprimer : il s’agit de « montrer que le monde n’est pas indifférent à ce qui se passe. […] Il dépend de nous de lutter contre la tragédie. »

« Mes proches ne sont pas seuls… »

« Ce que les Ukrainiens nous apprennent, c’est que le contraire de la paix, ce n’est pas la guerre, c’est la servitude », formule, quant à lui, l’essayiste Pascal Bruckner, qui compte parmi les invités. Et de laisser la parole aux écrivains Marc Lambron de l’Académie française et Frédéric Beigbeder, qui accompliront la prouesse de susciter les rires d’un auditoire pour le moins abattu. Dénonçant respectivement Poutine, comme « droïde botoxé » aux « incantations prénucléaires » et à « l’aréopage pétrifié » et invitant les « oligarques russes » à « le débrancher » : « Envahir un pays avec des chars, c’est démodé ! »

« Depuis près d’une semaine, je scrolle [fais défiler, NDLR] les applications de messagerie et les réseaux sociaux 24 h/24 et j’angoisse, confie, au sortir de l’événement, Oleksandra, étudiante parisienne de 22 ans, dont l’ensemble de la famille vit à Kiev, la capitale du pays. Cette soirée, si j’en attendais peu dans les faits, m’aura fait du bien et aura au moins eu le mérite de parler de mes proches. Ils ne sont pas seuls… »


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