Texte écrit avec Claude Lanzmann

L’article de Natalie Nougayrède (Le Monde du 2 septembre) nous apprend qu’Henri Guaino, la plume universelle du président de la République, aurait sinon rédigé lui-même, tout au moins « lu avant publication », la réponse de Farouk Hosni, ministre de la culture du gouvernement égyptien, à la dénonciation que nous avions faite de sa nomination probable comme directeur général de l’Unesco avec le soutien militant de la France (Le Monde du 22 mai 2009).

Nous rappelions, dans notre tribune, que Farouk Hosni était l’auteur d’une série de déclarations clairement et odieusement antisémites égrenées au fil des années, la plus récente étant celle où, en réponse à une question d’un élu des Frères musulmans, il se proposait de brûler lui-même les livres israéliens qui, d’aventure, se seraient clandestinement glissés sur les rayons de la Bibliothèque d’Alexandrie.

Entre Farouk Hosni et la direction générale de l’Unesco, il y avait selon nous – et selon beaucoup – une scandaleuse incompatibilité. Écrite dans un français impeccable, la réponse de Farouk Hosni ne nie rien des faits pour lesquels on l’incrimine. Ceux-ci sont imputables, laisse-t-il entendre, à des erreurs de jeunesse qu’il avoue regretter, mais surtout au sang chaud qui bout dans ses artères devant l’oppression à laquelle Israël soumet le peuple palestinien et qui lui fait perdre le contrôle de ses propos.

Nicolas Sarkozy n’a jamais caché qu’Henri Guaino est le rédacteur principal de ses discours. Et celui-ci, homme aux talents multiples, d’une rare capacité de travail, ne renâclant sur aucun sujet, même le plus aride, occupe une place essentielle dans l’organigramme gouvernemental et semble peser fortement sur la politique française – comment en irait-il autrement ?

Le conseiller spécial s’est vu, en particulier, chargé de mettre en œuvre, ès qualités, le projet d’Union pour la Méditerranée voulu par le président de la République. Tout cela va de soi.

Pourtant, ce qui vient de se produire relève d’un véritable saut qualitatif et nous semble pour le moins étonnant. Si les rumeurs selon lesquelles l’idée d’une réponse de Farouk Hosni dans Le Monde a été suggérée par Henri Guaino, si le texte du ministre égyptien de la culture est sorti de la plume du conseiller français ou « a été “lu par lui avant publication” au cas où il eût fallu le modifier », Henri Guaino passe du statut de plume française à celui de plume mondialisée !

Mais, après tout, il y a peut-être là un effet collatéral de la logique sous-jacente à toute l’action du président, qui est celle de l’hyperprésidence : Henri Guaino accédera peut-être à l’universalité véritable et sans frein en devenant la plume de tous les grands de ce monde sur les cinq continents, préfigurant ainsi la plus radieuse des fusions interhumaines. C’est lui, en vérité, qui mériterait le poste prestigieux de directeur général de l’Unesco !


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