La bonne nouvelle de dimanche, c’est que Mélenchon ne sera pas Premier ministre.

Il avait dit, avant la présidentielle, au mépris de l’esprit des lois et sans jamais énoncer clairement avec qui, de Le Pen ou de Macron, il prévoyait de cohabiter : « élisez-moi à Matignon ».

Eh bien, il a perdu son pari.

Il sera, d’après les projections, loin de la majorité des députés.

C’est mieux, bien sûr, que le Rassemblement national dont l’ancrage, pourtant, se confirme.

C’est bien mieux que Reconquête, son souverainisme de carnaval et son chef qui se rêvait Barrès, ou Bonaparte, et n’aura eu, en guise de 18 Brumaire, qu’un 1er avril piteux et une élimination sèche de la scène politique française.

Mais enfin, pour lui aussi, la plaisanterie est terminée.

Et l’homme du soutien à Bachar el-Assad, du mépris goguenard de l’Ukraine, des vaccins cubains, du coupable silence sur les Ouïgours, ce mélange de Jules Guesde et de Jeremy Corbyn tombé dans tous les pièges des complotismes les plus rances, ce politicien à l’ancienne auquel les Machiavel du PS ont vendu leur âme pour une poignée de sièges, ne gouvernera pas la France.

La mauvaise nouvelle, en revanche, c’est qu’un quart des votants a tout de même choisi l’homme de la sortie de l’Europe et de l’amitié avec Poutine.

Ils ont fait chuter, dans un climat de lynchage orchestré par des réseaux sociaux plus guillotineurs que jamais, des républicains de bataille, tels Manuel Valls ou Jean-Michel Blanquer.

Et voilà les harangueurs du « Allez, les gens ! » et du « Mais si, bonhomme ! », voilà l’homme que mon ami Jacques-Alain Miller a lacaniennement qualifié, la semaine dernière, de démagogue des bas instincts (tous les bas instincts, antilaïcité, antiflics, anti-intellectuels, parfois antijuifs) sacré premier opposant à Macron et chef du deuxième parti de France.

La gauche s’est donnée à un Danton à pastaga.

Le parti de Jaurès, de Blum et de Mitterrand s’est fondu dans un douteux mélange de fausse révolte, de vrai boulangisme, de poujadisme extatique et d’islamo-gauchisme version groupe en fusion.

Et nous risquons d’avoir droit, pendant cinq ans, au coup d’éclat permanent de ce tribun sans mandat plastronnant, claironnant, vibrionnant, appelant au plébiscite, convoquant la rue, la révoquant, et alternant mines courroucées, périodes mussoliniennes, colères froides et envolées lyriques se résolvant toujours, chez lui, en petits calculs, tactiques et cynisme d’appareil.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Est-ce le dernier soubresaut du grand cadavre à la renverse ?

Le discrédit de la chose publique parvenu, dans l’élection la moins votée de l’histoire de la République, à son stade terminal ?

La vague réactionnaire qui, sur fond de baisse du pouvoir d’achat, de dépression post-Covid et de peur de la guerre en Ukraine, déferle sur la France ?

Un effet collatéral du geste de rénovation du Macron première époque siphonnant, à la tête de ses marcheurs, tout ce qui, dans les deux camps, avait le goût de gouverner ? L’accomplissement, et retournement, du programme de feu mon ami, le gaullo-gauchiste Maurice Clavel, expliquant, il y a un demi-siècle, qu’il fallait casser la gauche pour vaincre la droite et réciproquement ?

Ou est-ce un nouveau symptôme de cette vieille pathologie française, venue de la passion catholique pour la rhétorique, qu’est l’amour sans nuances des tribuns ?

Il faudra plus de recul pour le savoir. Mais le résultat est là et il en dit long sur l’état moral de la France.

On promettait la radicalité : on a la dernière ruse d’un matamore relooké en Érostrate de foire.

On nous annonçait un nouveau souffle, un vent qui se levait : ce sera l’ultime risée des belles tempêtes du gauchisme de jadis avec, en prime, la mauvaise haleine du populisme.

On faisait profession de vérité : tout, jusqu’aux noms de cette « Nupes » ou, déjà, de cette « France insoumise » (étrangement soumise, comme on sait, à tous les tyrans syrien, cubain, russe, chinois de la planète) sonne et sonnera faux.

On prétendait revitaliser la démocratie et, d’ores et déjà, le Parlement : tout indique que ce sera le contraire et qu’il ne déplaira pas à ces tyrannophiles déguisés en aimables agitateurs de parasiter le travail des commissions où l’usage républicain veut que siège le principal parti d’opposition.

Des femmes et hommes de bonne volonté, souvent des jeunes, ont voté dans l’espoir que « ça bouge en France » : ce sont les institutions qui, si les Insoumis soumettent définitivement le reste des nupistes, risquent d’être déstabilisées par des fanatiques agissant pour la satisfaction de soi et dans le mépris de tous.

Il vaut mieux les avoir à l’Assemblée que dans la rue, murmuraient enfin les faux habiles : ils auront l’Assemblée et la rue ; il sera dans l’hémicycle et dehors, le fameux « la République c’est moi » ; et, pour les Mangemorts du mélenchonisme entrés, comme dans Harry Potter, dans le Poudlard parlementaire, l’armoire magique fonctionnera dans les deux sens…

J’espère me tromper.

Mais l’on espère surtout un sursaut de second tour permettant au président, et à sa majorité, de gouverner.

Puisse dimanche prochain être le petit soir de Jean-Luc Mélenchon.


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