Le vote, par la Chambre des représentants des États-Unis, des 61 milliards d’aide à l’Ukraine est une décision historique.
Je connais le terrain ukrainien.
J’y ai tourné trois films documentaires.
J’ai passé des mois, depuis deux ans, sur des positions où les obus se comptent à l’unité et où la défense antiaérienne est assurée par de simples pick-up qui traquent les drones tueurs, les laissent venir au plus près et les abattent à la dernière seconde.
Et je sais donc ce que signifie, pour chacune de ces unités combattantes, l’arrivée d’un système de missiles Patriot, d’un lance-roquettes Himars, d’une caisse d’obus ou de munitions téléopérées, et même d’un VAB hors d’âge.
Il était minuit moins cinq sur les fronts de Kherson, Kharkiv, Zaporijia, Tchassiv Yar.
Les soldats de l’an X de la révolution ukrainienne n’en pouvaient plus de cette guerre asymétrique face à une armée russe alimentée par un flux tendu de drones iraniens et d’obus nord-coréens.
Mais un miracle s’est produit.
L’empire involontaire, toujours récalcitrant, que sont les États-Unis a fini, au bout de cinq mois d’atermoiements, par habiter son propre credo et se réveiller.
Et la Chambre aura empêché que le front ne cède et que l’armée ukrainienne, aujourd’hui la meilleure d’Europe, ne soit, faute de moyens, balayée par une soldatesque démotivée, démoralisée, mais surarmée.
Le speaker Johnson a sauvé des vies.
Il a empêché une défaite stratégique qui, au-delà de l’Ukraine, eût été celle du monde libre.
Merci.
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Historique est, aussi, le fait que ce paquet d’aides ait été voté en même temps que les trois autres – destinés, l’un à Israël, l’autre à Taïwan et le troisième, pour l’essentiel, à la crise humanitaire induite par l’autre guerre, oubliée celle-là, qui ravage le Soudan.
D’aucuns voulaient dissocier les choses.
Ils ont tenté, au gré de leurs affinités partisanes, de voter l’aide à Israël en oubliant l’Ukraine, ou l’aide à l’Ukraine en oubliant Taïwan, Israël et le Soudan.
Il était essentiel qu’ils soient contrés.
Il était capital que soit rappelé, par le symbole qu’est cette aide multiforme, que l’Amérique, comme l’Europe, est engagée dans une guerre mondiale d’une nouvelle sorte qui se livre sur plusieurs fronts à la fois.
Ennemi principal ?
Faire alliance avec Poutine, comme le voudraient les trumpistes aux États-Unis ou le Rassemblement national en France, pour contrer le danger islamiste ?
C’est ce qu’ont refusé les représentants. Ils ont entendu le message de ceux qui, comme l’ambassadrice ukrainienne Markarova, lorsque nous sommes venus, le 10 janvier, leur présenter mon film, martèlent que Poutine est l’ami de l’Iran, qu’il fait cause commune avec le Hamas et qu’il veut une Eurasie dont l’un des axes serait, contre le « judéo-maçonnisme » et « l’hérésie latine », la grande alliance de l’orthodoxie et de l’islamisme.
Ils ont compris, en d’autres termes, que nous sommes entrés dans un monde où, contrairement aux années 1930, les notions mêmes d’ennemis principal et secondaire sont devenues hors d’usage.
Et, de cela aussi, il faut leur rendre grâce.
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Reste un problème.
Nul, à l’heure où j’écris, ne semble précisément savoir ce qui figure dans le paquet d’aides.
Mais, d’après mes amis ukrainiens, il n’est toujours pas question de cette livraison massive d’avions F-16 qui, seule, dans un pays grand comme presque trente fois Israël, sera capable de fermer le ciel et de dissuader les bombardiers russes.
Il n’est toujours pas prévu de livrer les armes à longue portée qui permettront d’atteindre, dans la profondeur, c’est-à-dire en Russie même, les bases et centres d’approvisionnement de l’armée ennemie.
Et les représentants, tout comme les sénateurs qui doivent, cette semaine, voter définitivement la loi, paraissent toujours aussi soucieux d’éviter que leurs alliés ukrainiens n’infligent à l’ennemi une défaite trop cuisante.
C’est toujours la même histoire.
L’Occident veut empêcher que l’Ukraine perde, mais pas l’aider à gagner.
Il calcule l’exact dosage d’armes qui lui permettra de tenir la ligne mais sans trop humilier la Russie.
Et nous traitons Poutine comme Poutine traite Bachar el-Assad – amoindri, affaibli, mais tenu à la tête d’un pays dont il a réussi à nous convaincre que lui seul garantissait la « stabilité » et l’« unité ».
C’est un mauvais calcul.
C’est oublier que la seule façon de stopper l’engrenage du chaos est de sanctionner celui par qui tout a commencé.
Nous n’avons, plus que jamais, pas le choix.
Poutine doit, non reculer, mais capituler.
En première ligne, avec Israël, de la guerre mondiale qu’a déclarée aux démocraties l’Internationale illibérale, l’Ukraine doit vaincre la Russie.
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