Je suis un indéfectible partisan, au Proche-Orient, de la solution des deux États.
Et je continue de penser que, même mal en point, délaissée par les uns, rejetée par les autres, elle est la seule qui, à terme, permettra à Israël de demeurer à la fois l’État des Juifs voulu par ses pionniers et la démocratie exemplaire dont soixante-dix ans de guerre ouverte ou larvée n’ont pas encore affecté l’esprit et les institutions.
N’empêche que j’ai été profondément choqué, moi aussi, par le remue-ménage qui s’est fait, à Noël, autour du vote de la désormais fameuse résolution 2334 exigeant la « cessation immédiate » de la « colonisation » dans les territoires palestiniens occupés.
1) Il y avait le lieu, d’abord : cette enceinte des Nations unies qui n’ont de cesse, depuis des décennies, de condamner, diaboliser, ostraciser Israël et qui sont l’un des derniers endroits au monde où l’on puisse espérer, sur cette question comme sur d’autres, une position équilibrée ou courageuse.
2) Il y avait le spectacle même de ces quinze mains qui n’avaient pas su se lever, quelques jours plus tôt, pour arrêter le massacre à Alep : qu’elles se manifestent, de nouveau, là pour faire du petit Israël le plus grand empêcheur de paix du moment, qu’elles croient pouvoir retrouver, sous les applaudissements de l’assistance, un peu de leur honneur perdu et que se ressoude ainsi, sur le dos de l’État juif, une communauté internationale en miettes et spectrale était à la fois lamentable et glaçant.
3) Il y avait la piètre rédaction du texte de la résolution qui, malgré la petite phrase condamnant « tous les actes de violence contre les civils, dont les actes terroristes » (ce « dont les actes terroristes » laisse rêveur – on se demande bien ce que pouvaient être les autres « actes de violence » mis, donc, sur le même plan que les « actes terroristes »…), faisait des Israéliens les responsables principaux, pour ne pas dire uniques, du blocage du processus de paix : l’entêtement palestinien ? les deux langages du gouvernement de Ramallah ? ces arbres de Noël où, dans certains quartiers de la Jérusalem arabe, on a mis, en guise de guirlandes, des photos de « martyrs » morts au « combat », c’est-à-dire en tentant de poignarder des civils israéliens ? rien de tout cela, pour les rédacteurs de la résolution comme pour ceux qui l’ont votée puis célébrée, n’était un « obstacle à la paix » ; rien n’égale en perfidie la politique de Netanyahou multipliant les colonies.
4) Il y avait cette affaire de colonies et la façon dont elle a, une fois de plus, été exposée. Que la poursuite ininterrompue des implantations en Cisjordanie soit une faute, c’est évident. Et qu’il y ait, au sein de la droite israélienne, un nombre grandissant de faucons qui, Benyamin Netanyahou en tête, rêvent de voir le processus s’amplifier et créer une situation sans retour, c’est probable. Mais il n’est pas vrai que l’on en soit déjà là. Il n’est pas exact de présenter ces constructions comme une prolifération méthodique et maligne, métastasant dans l’ensemble de la future Palestine et la démembrant par avance. La réalité, claire aux yeux de quiconque prend la peine d’analyser les choses sans œillères ni passion, c’est que la concentration territoriale des implantations les plus peuplées crée une situation qui n’est, en dépit du nombre, pas radicalement différente de celle prévalant dans le Sinaï avant l’accord avec l’Égypte de 1982 ou dans la bande de Gaza avant le redéploiement décidé par Ariel Sharon en 2004 – la réalité, c’est que l’essentiel de ces constructions se trouve encore assez près de la ligne verte pour qu’il demeure possible, l’heure venue, de procéder à des échanges de territoires et d’engager, ailleurs, pour les installations les plus lointaines et les plus isolées, des évacuations douloureuses (sans parler de l’option dont je m’étonne qu’elle ne soit jamais évoquée et qui ferait que des Juifs pourraient vivre en terre palestinienne comme 1,5 million de Palestiniens vivent en Israël et en partagent l’entière citoyenneté…).
5) Et puis il y a eu enfin, pour la première fois depuis quarante ans, l’abstention surprise de l’ambassadrice Samantha Power, puis, quelques jours plus tard, le long discours d’accompagnement du secrétaire d’État John Kerry. On dira ce que l’on voudra. Mais voir cette administration qui a tant concédé à l’Iran, tant cédé à la Russie et inventé, en Syrie, la doctrine d’une ligne rouge qui ne l’aura finalement été, rouge, que du sang des Syriens sacrifiés sur l’autel du renoncement à la puissance et au droit, la voir, donc, se rattraper et presque se refaire en donnant de la voix, in extremis, contre ce mouton noir planétaire, ce pelé, ce galeux, qu’est le Premier ministre d’Israël, quelle misère !
Je ne reconnais plus, dans cette posture trop facile où se retrouve à trop bon compte le fantasme d’une autorité perdue, le jeune sénateur inconnu que j’ai rencontré un jour de juillet 2004, à Boston, et qui me chanta la double gloire, à ses yeux parallèle, du mouvement de libération du peuple noir et de la nouvelle sortie d’Égypte qu’est le sionisme pour le peuple juif.
Mais je ne sens que trop les signes avant-coureurs d’une humanité disloquée, retentissant comme jamais du choc des empires et des visions du monde, vouée à la répétition sans fin de l’injustice et des carnages – mais où la plus vieille des haines ferait à nouveau, pour tous ou presque, religion.
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