Genève.
C’est ici que, voilà huit ans, fut lancé le fameux plan de Genève élaboré et signé, avec l’appui de Suisses et de Français, par des personnalités des deux sociétés civiles palestinienne et israélienne.
Et c’est ici que, dans la même université, peut-être face aux mêmes gens, se retrouvent aujourd’hui, 22 novembre, tels que, dans les deux camps, le gel de toute négociation ne les a, semble-t-il, pas changés, les principaux acteurs de l’époque.
Discours de la présidente de la Confédération helvétique, Micheline Calmy-Rey, disant pourquoi elle a voulu, à quelques semaines de son départ, cette soirée de commémoration et de relance.
Intervention de Yossi Beilin, parrain israélien de l’initiative, expliquant, une fois de plus, qu’il n’y a pas d’autre choix, pour s’extraire de la mauvaise spirale du fanatisme et de la haine, que d’accepter, d’un côté comme de l’autre, le douloureux sacrifice d’une part de son rêve.
Renfort du rabbin Yitzhak Vaknin, responsable du parti religieux Shas et vice-président de la Knesset, rappelant que la seule alternative à la paix serait la transformation d’Israël en un Etat binational renonçant, par le fait même, à ce caractère juif qui est au coeur de son projet.
Belle envolée de Yasser Abed Rabbo, le partenaire palestinien de Beilin, répondant à une étudiante qui lui reproche d’avoir abandonné le “droit au retour” des réfugiés de 1948, de leurs enfants, de leurs petits-enfants, et d’avoir bradé, ce faisant, les intérêts sacrés de son peuple : “c’est l’inverse, s’exclame-t-il ! c’est très exactement l’inverse ! cette renonciation à un droit irréaliste était, et demeure, la seule façon d’éviter une nouvelle Nakba, autrement dit une nouvelle catastrophe !”.
Quant à moi, j’essaie de cerner les différents moyens, non seulement de commémorer, mais de poursuivre, enrichir, voire faire aboutir un jour la belle initiative de 2003.
Quand on a fait ce que vous avez fait, dis-je en substance à Beilin et Rabbo, quand on est à l’origine d’un tel trait de courage et de génie politique, quand on est les auteurs d’un plan qui est le seul jamais conçu attestant que la coexistence entre les deux peuples est, mieux que désirable, possible, bref, quand on a entre les mains cette idée d’un accord dont on a dessiné jusqu’au moindre contour, il y a trois manières de faire – il n’y en a pas quatre, il y en a trois.
Il y a la voie kantienne ou, peut-être, prophétique : une Idée, oui ; une grande et magnifique idée surplombant de sa hauteur les confuses et incertaines tentatives de lui donner un débouché ; une référence ; un étalon ; une idée statufiée, ou une statue du Commandeur des idées, permettant de juger, jauger, j’ai presque envie de dire évaluer, les efforts des politiques, leurs tâtonnements plus ou moins sincères, leurs approximations.
Il y a la voie apostolique ou, si l’on préfère, démocratique : faire sortir l’Idée de son mausolée ; la propager ; la diffuser ; vouloir qu’un maximum de gens, en Israël, en Palestine, dans le monde, prennent connaissance d’un projet où il n’y a pas un bout de désert, un bouquet d’oliviers, un caillou qui n’aient été âprement négociés ; l’obliger, en d’autres termes, à descendre du ciel sur la terre et y convertir, dans la durée, un nombre croissant de femmes et hommes de bonne volonté.
Et puis il y a la voie où vous vous engageriez, amis auteurs du plan, si vous choisissiez de vous mettre dans la main des rois, c’est-à-dire dans le rôle de ceux que l’histoire des idées appelle les saint-simoniens : à la recherche du roi de l’Idée ; en quête de celle ou celui qui s’en fera le porte-parole le mieux éclairé ; la lui confiant ; la lui laissant en héritage et en dépôt ; comptant sur lui, ou sur elle, pour l’incarner et, l’incarnant, la faire entrer, un jour, dans la lettre d’un traité.
Est-il nécessaire de préciser que j’opte pour la combinaison des trois options et que c’est cela que, ce jour-là, je recommande ?
Option n° 1 : d’autres réunions comme celle-ci, où l’on se contentera (mais ce sera déjà beaucoup – et plus encore si elles se tiennent à Tel-Aviv ou Ramallah) d’entretenir la flamme.
Option n° 2 : porter la bonne parole pour, de visage à visage, bien sûr, mais aussi à travers les médias, les réseaux sociaux, la Toile (tous ces outils de propagation dont on a vu, aux premières heures des révolutions arabes, la prodigieuse efficacité), aider à se lever le bon vent d’un printemps de la Paix.
Solution n° 3, enfin : chercher, convaincre et, peut-être, décider le Gédéon, le Saül, le nouveau Sadate ou le nouveau Begin, le responsable américain, européen, arabe, onusien, capable d’adopter l’idée (et, l’adoptant, se l’appropriant, la faisant sienne, de la faire un jour triompher).
Il faut tout tenter. Tout lancer. Car c’est à la croisée de ces trois voies que nous avons, fidèles à l’esprit de Genève, rendez-vous avec la paix.
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