Avec la diffusion, chaque mercredi soir, des Aventures de la liberté, histoire subjective des intellectuels, de Bernard-Henri Lévy, en quatre parties, réalisée par Alain Ferrari (parallèlement au livre édité chez Grasset), le producteur Simone Harari affirme la présence de la société, Téléimages, sur tous les terrains de l’audiovisuel. Dans l’interview qu’elle a accordée au Figaro, elle explique ses motivations et ses objectifs.

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PROPOS RECUEILLIS PAR PHILIPPE CUSIN

Le film et le livre sortent-ils au moment opportun ?

Oui. Nous sommes à un tournant où cette réflexion sur l’histoire intellectuelle peut-être entendue, alors que fascisme et communisme sont renvoyés dos à dos. Voilà matière à consensus en 1991. En 1984, lorsque j’ai rencontré Bernard-Henri Lévy, la remise en cause des engagements des intellectuels sentait encore le soufre.

Quelle est la genèse des Aventures de la liberté ?

D’emblée, j’ai été séduite par ce projet. Pour trois raisons. Le choix, par Bernard-Henri Lévy, d’un nouveau mode d’expression, l’audiovisuel, dont il voulait faire l’apprentissage. Le défi de donner la parole à un auteur pour traiter un sujet très ambitieux, sans compromettre la démonstration en s’adressant au grand public, est passionnant. Troisième raison, enfin : cette histoire rencontrait une préoccupation personnelle relative au rôle des maîtres à penser.

Ce film illustre-t-il la « trahison des clercs » ?

Dans un monde idéal, on pourrait espérer que les intellectuels soient mus par la quête de la vérité, de la liberté et de la justice. Or cette rétrospective présente des errements et des égarements qui ont précipité des aventures tragiques, des « ismes » : communisme, fascisme, tiers-mondisme, maoïsme. Ce film montre que les intellectuels ont bien souvent agi comme des prophètes, des apôtres des religions du siècle.

S’agit-il d’une mise en garde ?

Il ne s’agit ni de dénoncer ni de juger les intellectuels. Mais de comprendre pourquoi des intelligences magnifiques ont pu être tentées et se fourvoyer, afin que nos contemporains redoublent de vigilance. Tel est le sens de ce travail. Devons-nous, alors, nous limiter à une ère de gestionnaires, confinant les artistes à leur art et les penseurs à leurs pensées ? Notre époque doit inventer des philosophies qui questionnent et considèrent la complexité du vivant. Nous ne pouvons plus être ni totalement idéalistes ni complètement réducteurs. Mais savoir comment doser d’utopie dans le réel et réciproquement.

Compatibilité

Cette série indique-t-elle que, pour un producteur, la chute dans la médiocrité n’est pas inéluctable ?

Il m’a fallu une foi chevillée au corps pour, au cours de toutes ces années, mener à bien ces émissions, typiques de ce que peut être un service public rénové, et convaincre une chaîne et des partenaires financiers. Le coût total, très important pour un documentaire, s’élève à environ deux millions de francs par épisode.

Il est donc compatible de produire des « sitcoms » et Les Aventures de la liberté.

Mener parallèlement plusieurs genres de productions était prévu dès la création de Téléimages en 1983. Je travaille sous une double contrainte. Le public : qu’il soit le plus large possible. Mes actionnaires : que l’entreprise fasse des bénéfices. Téléimages peut investir dans des documentaires « difficiles » tels que Le Choix de Dieu (sur Mgr Lustiger) ou Les Aventures de la liberté, grâce à sa surface financière et sa crédibilité professionnelle, acquise notamment dans les « sitcoms ».

Outre votre appui financier et moral, quelle est votre part dans ces émissions ?

Incontestablement, produire des programmes, fictions ou documentaire, c’est produire du sens, des images de son époque. Pour ces Aventures, j’ai suivi leur élaboration en ayant le souci du téléspectateur « lambda » : veiller à ce qu’on pense à sa compréhension, afin que cette série ne devienne pas une encyclopédie, l’opposé d’une narration. Faire que Les Aventures de la liberté apportent un souffle époque qui puisse parler à notre cœur, notre émotion et nos espoirs.


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