Que faire contre le terrorisme des fous d’Allah ? L’Europe, vous le savez, ne croit qu’à la défense ciblée, et qu’avec le temps ces débris d’un islam fossile tomberont d’eux-mêmes dans les poubelles de l’Histoire. Tandis que l’Amérique, sonnée par le 11 septembre, estima que ce terrorisme infectait assez le Moyen-Orient pour y justifier un traitement de choc. En Afghanistan d’abord. En Irak, aujourd’hui.

Cette équipée américaine au Moyen-Orient garde encore un horizon flou. Talion américain ? Démonstration dissuasive pour les États complices du terrorisme islamiste (Hamas, Djihad) qui, désormais, ruine la cause palestinienne ? Cheval de Troie (pétrolier) contre le financement saoudite des illuminés de Mahomet ? Tentative de greffe de nos principes démocratiques d’Occident ? Un peu de tout cela, sans doute !

Que l’Europe et les États-Unis, là-dessus, divergent n’a rien de surprenant. L’Europe a, de l’univers musulman, une expérience séculaire, tantôt pacifique et tantôt guerrière.

Mais en soixante ans de paix sous protection américaine, elle n’a forgé, pour sa défense, aucune conscience communautaire. Elle ne peut opposer à ce nouveau fléau que la réaction de ses nations, celle que dicte leur vulnérabilité à la pénétration islamiste. Tandis que l’Amérique, empire sans doctrine, réagit avec une vitalité intacte, des moyens colossaux et l’improvisation de son inexpérience. De cette discorde occidentale nos esprits sont abreuvés. Mais, sur l’ennemi déclaré de cette guerre nouvelle, sur les fous d’Allah, nous en savons assez pour que nous obsède tout ce qui touche à l’islam, puisque son fanatisme est une maladie de famille, une gangrène moins adventice qu’inhérente. Les islamologues nous apprennent ses sources, ses aires, ses effectifs. Ainsi le Djihad de Gilles Kepel est-il indispensable à sa connaissance intellectuelle. Mais il nous manque la connaissance physique du « Mal ». Et d’avoir visité ses abysses.

Ce voyage en enfer, un romancier l’a risqué. Et le livre fascinant de Bernard-Henri Lévy est un événement. Roman ? Non ! Essai ? Moins encore, bien qu’il fourmille in fine de supputations, à vrai dire, terrifiantes. C’est une enquête qui dura plus d’un an, pointilleuse, ardente, dangereuse, un modèle de reportage maniaque. Et le « roman » n’est en l’occurrence que celui de l’enquête même : un « romanquête » !

Objet de l’enquête : l’assassinat de Daniel Pearl, journaliste américain décapité à Karachi devant la caméra de ses bourreaux, puis dépecé en dix morceaux ! Un meurtre en vidéo dont la férocité nous instruit d’emblée sur les cervelles d’un quarteron d’équarisseurs. Comme BHL, enquêteur à haut risque, dispose aussi d’un œil et d’une plume d’écrivain, c’est le corps et le décor de ce terrorisme qu’il révèle. Puant, suffocant, avec ses sites, ses codes, ses délires mystiques, son écheveau de duplicité vicieuses. Et ses tutelles de mollahs, balançant entre le glaive et l’élégie, au gré des sourates d’un Coran alternatif qui, sur la guerre et la paix, dit tout et son contraire.

Le vrai héros du livre, c’est, en fait le « parrain » du meurtre, un certain Omar Sheikh. L’intrigant Omar est né à Londres, d’une famille aisée d’immigrés pakistanais. Adolescence policé et doux, il est éduqué en uniforme à écusson, sous les mânes de Shakespeare et de Gladstone, avant d’être un étudiant sans histoires de la London School of Economics, un excellent joueur d’échecs aussi… Bref, un jeune, bon et chaste sujet de Sa Majesté. Et fort peu entêté de Mahomet. Alors, quoi ? Quand va-t-il donc muter ? Basculer dans le chaudron de sorcière ?

Réponse : en Bosnie ! Il vire là depuis l’humanitaire musulman jusqu’aux brigades musulmanes où figurèrent ces forcenés qu’une vidéo montre jouant au football avec des têtes de Serbes…

Après Sarajevo, ce sera le retour à des origines perdues. À Karachi, mégalopole d’Islam avec ses 10 millions de Pakistanais et ses 2 millions d’Afghans, Bangladais, Arabes, Soudanais, Somaliens, Yéménites, tous vagabonds de misère et de foi, vivier où Ben Laden et ses affidés se meuvent comme poissons dans l’eau. Tiré depuis l’affaire Pearl, le fil rouge de l’enquêteur nous conduit de Londres, Los Angeles ou Kaboul jusqu’à cette madrasa, université islamique de Karachi – ville dans la ville de 5000 catéchumènes –, creuset où Al-Qaïda s’endoctrine, se cache et recrute.

Il nous mène au Dubaï des banques où la pieuvre terroriste, entre coups de Bourse et extorsions de fonds, s’abreuve aux sociétés de bienfaisance musulmanes d’Arabie et d’Europe. Un grouillement de passe-frontières que surplombe un État nucléaire – le Pakistan – avec ses services spéciaux et spécieux, son trafic de secrets technologiques avec la Corée du Nord et d’autres « États-voyous »… Là-dessus, BHL avance, sans certitudes, à coups de gamberge qui donnent le frisson.

Vous en conclurez peut-être que le danger islamiste n’a cessé de s’intensifier. Mais peut-être aussi que le pire n’est pas toujours sûr. Car si le péril est, depuis le 11 septembre, plus spectaculaire et plus intense, Kepel et autres connaisseurs le voient toujours sans réels relais politiques ou sociaux.

Avec ses « possédés », le fanatisme islamique, disent-ils, signe son déclin. Inch’Allah !


Autres contenus sur ces thèmes