Je ne sais pas, comme le pensait Malraux, si le vingt et unième siècle « sera religieux ou ne sera pas ». Cette citation très souvent évoquée semble – comme c’est parfois le cas avec Malraux – un peu péremptoire. On ne voit pas très bien de quel ouvrage ou de quel entretien elle a pu émerger. Que peut bien vouloir dire, au demeurant, qu’un siècle pourrait ne pas être ? Qui le constaterait ?
Ce qu’on peut avancer sans risque, c’est que notre nouveau siècle a commencé dans l’accompagnement sinistre dans bombes, des sirènes d’ambulance, des attentats-suicide. Et cela au nom de Dieu, ce qui s’apparente, pour le moins, à une mauvaise plaisanterie. Ou simplement au camouflage sophistiqué de la haine la plus pure.
Il faut lire le livre de Bernard-Henri Lévy, Qui a tué Daniel Pearl ?. Livre-enquête, livre-témoignage qui porte bien haut la noblesse de l’écriture comme celle du courage. Celui du corps et de l’esprit.
Bernard-Henri Lévy fut longtemps considéré comme un dandy, élégant et nonchalant, portant sous sa chemise blanche le cœur d’un Narcisse qui contemplerait son visage sur les écrans de télévision. Ceux qui l’ont jugé ainsi n’avaient peut-être pas voulu lire, comme elle le méritait, une œuvre d’une grande et belle profondeur. C’est cet homme-là qui, après avoir plongé dans l’enfer de la guerre en Bosnie, est parti à la recherche d’un assassin pas tout à fait comme les autres. Il s’est penché sur un meurtre dont l’histoire retiendra qu’il est, pour la planète de demain, beaucoup plus qu’un cauchemar.
BHL, comme on le désigne, est entré dans la nuit du fanatisme. Il n’y a vu aucune lumière, sauf dans le regard d’un otage décapité devant une caméra. Un mort sur les traces duquel l’auteur nous emmène : il s’appelle Daniel Pearl.
L’honneur de cet homme fut d’être, ne le revendiquant, un journaliste libre, un Juif, un Américain. En choisissant d’exprimer cette triple identité, il n’ignorait pas que, sur son chemin, la haine serait sa compagne la plus fidèle. Dans certains pays, chacune de ces trois affirmations vous mène assez rapidement à la mort…
Un de ces pays s’appelle le Pakistan. Il s’agit d’une puissance nucléaire, d’un État qui se trouve être, à travers ses services de renseignement et de police politique, la terre d’asile de la plus grande nébuleuse terroriste de notre époque.
Donc Daniel Pearl meurt égorgé. Ce ne serait qu’une victime parmi d’autres, un innocent de plus tombé dans la trappe de la guerre et de l’intolérance, ce ne serait qu’une sorte de bavure, un dégât collatéral, presque un fait divers, si BHL, dans son enquête, ne déchirait les multiples mensonges qui entourent et cachent le terrorisme d’aujourd’hui, sa minutieuse organisation, ses complicités, ses ambitions… Je laisse donc ce livre à l’examen de ceux qui devinent, dans le fascisme du Djihad, de la « guerre sainte », la redoutable épreuve qu’auront à affronter les démocraties.
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