Les mois se suivent et ne se ressemblent pas. Tant mieux. Qui, par exemple, ces derniers temps, se serait hasardé à dire du mal de ces nouvelles stars qui, de Tapie à Coluche et à Renaud, occupaient l’estrade aussi impérialement que les dieux de l’Olympe ? N’était-il pas question, au contraire, de sortir enfin des cénacles, de quitter l’habit de clerc et de se mêler enfin sans mauvaise conscience aux ébats « culturels » du moment ? Quel esprit fin, quel ministre n’est pas allé écouter du rock, assister à un défilé de mode, etc. ?

Comme de bien entendu, tout cela est progressivement monté à ébullition jusqu’à ce que certains esprits s’en alarment et tirent la sonnette. D’aucuns parlèrent de « barbarie », d’autres, comme B.-H. Lévy ou Alain Finkielkraut, ont rappelé, le premier qu’un intellectuel ne saurait être confondu avec un animateur de restau du cœur et qu’il se devait de jouer toujours et partout le rôle d’un trouble-fête ; le second, qu’il y avait danger pour la pensée à se vautrer inconsidérément dans un « tout culturel » de la même façon qu’on allait naguère répétant que « tout est politique »…

Comme un parquet trop bien ciré !

À vrai dire, nous n’en attendions pas mois de BHL, expert s’il en est dans l’art de flairer les zéphyrs qui font l’actualité du forum. Toujours le même… Rien à le lire qui dépasse, qui soit le signe que nous avons affaire à une pensée en mouvement : au contraire tout lisse, attendu, désespérément au point. Comment ne pas y voir une insurmontable contradiction avec le propos même de l’essai qui se veut une sorte de déclaration de guerre aux langues de bois ? BHL fige tout ce qu’il touche ; il brille, en effet, mais comme un parquet impeccablement ciré. BHL ? Une belle, une très belle langue de bois. « Tout se joue sur les tréteaux » ? Mais alors Beckett qu’on n’a jamais vu à la télévision ? Mais alors Gracq ? Mais alors Michaux – qu’on ne vit jamais non plus ? Mais alors beaucoup d’autres encore qui n’ont jamais prétendu pour autant poser aux ermites sentencieux ? Est-ce donc que chez tous ces gens-là, il ne se joue rien ? Dommage vraiment pour BHL. Qu’il nous pardonne, mais nous sommes tellement d’accord avec son éloge des intellectuels que nous avons précisément autre chose à lire.


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