Ras le bol de l’indécent psychodrame autour des Le Pen père et fille.
Ras le bol de ces commentaires complaisants, larmoyants et, au fond, fascinés sur la « douleur » de la fille « sacrifiant » un pauvre « roi Lear » errant en sa lande de Montretout.
Et ras le bol, surtout, de l’obscène opération de blanchiment politique dont toute l’affaire est l’occasion.
Car quelle est la réalité ?

  1. La pure Marine n’a pas moufté quand le grand méchant Jean-Marie a dit que le crime du néonazi Breivik lui semblait moins condamnable que la naïveté des Norvégiens. Elle n’a pas eu un mot de protestation quand, un an plus tard, lors de la convention du parti, il s’est mis à déclamer un poème de Brasillach, le collabo par excellence, le donneur de juifs et d’enfants juifs, le traître à la patrie, fusillé à la Libération. Elle est restée coite quand, à la veille des dernières européennes, il a eu le front de présenter « Monseigneur Ebola » comme une solution à l’« explosion démographique » de l’Afrique. Elle a eu une timide, très timide, réaction au moment de l’affaire de la « fournée » – mais pour y voir non une faute morale, mais une simple « faute politique », c’est-à-dire, en bon français, une idée pas forcément idiote mais politiquement inopportune. Et quand, le jour même du passage de flambeau, le désormais président d’honneur a lancé sa blague grasse sur le tabassage du journaliste de France 24 dont le judaïsme ne se voyait pas forcément « sur le nez », elle a eu un mot de commentaire, un seul – mais pour renchérir qu’elle aurait, à sa place, été « plus dure » encore… Bref. Si elle désapprouve aujourd’hui ce qu’elle acceptait hier, si elle feint de découvrir des saloperies sur lesquelles elle a toujours fermé les yeux et si elle se déclare révoltée, tout à coup, par un père que, dans une vidéo diffusée, le 8 avril, par « Le petit journal » de Canal +, elle disait victime d’un « procès scandaleux » en « antisémitisme », c’est affaire, non de principe et de conscience, mais de tactique et de moment.
  2. Le fameux « logiciel » du Front national… Cet « ADN » qu’auscultent les commentateurs, tels les aruspices le ventre de leurs loups sacrifiés… Il faudrait, pour que « changement d’ADN » il y ait, que le parti prenne solennellement ses distances non pas seulement avec le fondateur, mais avec la clique de vichystes, doriotistes et anciens de la division SS Charlemagne qui l’ont accompagné dans l’aventure et dont je ne sache pas qu’ils aient jamais été désavoués. Il faudrait que, quand le site « Entente », qui s’impose, au fil des mois, comme le meilleur observatoire du Front national et de ses turpitudes, plonge dans les profondeurs populaires du parti, il n’y découvre plus ces centaines de cadres et candidats qui, au moment des européennes et départementales, délirent, comme au bon vieux temps, sur les « synagogues de Satan », l’obligation de « détruire les juifs » et l’inlassable « complot » dont ils sont, comme toujours, les machinistes. Et puis que dire enfin d’un « logiciel » qui, quand il débranche le grand-père d’une élection en Provence, songe à le remplacer par une petite-fille qui, interrogée sur toute l’histoire, trouve encore le moyen de dire sa nostalgie d’un temps où « le verbe » de Le Pen servait à « clamer des vérités » face aux « erreurs historiques de ses adversaires »… Le passé impensé… Les abysses pestilentielles… Et l’avenir incarné par une Le Pen III qui, si on comprend bien, voit dans les élucubrations du faux résistant de La Trinité-sur-Mer une juste contribution à la vérité en Histoire… Où qu’on se tourne, la même soupe.
  3. Et quant à la patronne enfin, quant à cette dirigeante qui, parce que « née en 1968 », aurait rompu avec l’antisémitisme (!), comment interpréter ce jour de campagne électorale où, ayant décidé de se changer les idées en allant valser à Vienne, elle tombe, comme par hasard, sur le bal donné par la plus extrémiste, la plus hitlérienne des « corporations pangermanistes » ? Est-ce lui faire injure que de rappeler l’épisode de 2012 où on la voit, face à Guillaume Durand, s’emporter contre une journaliste dont le seul crime était d’être « mariée au patron de Publicis » – lequel serait (suivez mon regard…) l’incarnation d’un « système » auquel les bons Français feront bientôt rendre gorge ? Et comment ne pas évoquer cette interview au quotidien israélien Haaretz qui, lui ayant demandé de dénoncer ce régime du maréchal Pétain dont elle reproche maintenant à son père de continuer de faire l’apologie, se voit répondre : « absolument pas ! je me refuse à dire du mal de mon pays ! » – on a bien lu… cette femme qui ne se gêne pas pour traiter son pays de « catin », l’accoupler à des « émirs bedonnants » ou démoraliser son armée en soutenant, en temps de guerre, les régimes qu’elle combat, voilà qu’elle est priée d’avoir un mot, un seul, de condamnation de l’antisémitisme et des lois scélérates de 1940 – et elle ne veut plus, soudain, « dire du mal de son pays »…

Alors, marre, oui, de ce roman familial vaseux et de cette tragédie oedipienne de deuxième zone.
Marre de cette comédie de la parricide se débarrassant de la dépouille du vieillard indigne, en train de cracher le secret de la famille.
Face à cette farce lamentable, face à ces odeurs épaisses qui remontent des cuisines d’un parti qui n’a, sur le fond, guère changé, un impératif, et un seul, pour les républicains de droite et de gauche : éviter de tomber dans le piège d’une dédiabolisation qui n’est, pour l’heure, que manœuvre – et en finir, s’il se peut, avec un envoûtement morbide qui laisse le FN, depuis trop longtemps, dicter à la vie politique française son agenda et sa cadence.


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