Roman ? Enquête ? Qui a tué Daniel Pearl ? est effectivement une enquête qui se lit comme un roman. Comme il l’avait fait pour un précédent livre, Les derniers jours de Charles Baudelaire, BHL raconte ici par le menu les derniers jours de Daniel Pearl. Son supplice d’une semaine, immortalisé par une vidéo – qui elle aussi a fait le tour du monde. Daniel Pearl est mort le 31 janvier 2002, dans la banlieue de Karachi. Il avait 38 ans. Son épouse Mariane attendait leur premier enfant, aux États-Unis. Correspondant du Wall Street Journal en Asie, Daniel Pearl faisait son travail de reporter. C’était d’ailleurs un excellent reporter. Mais Daniel Pearl avait trois « bonnes » raisons de déplaire aux fous de Dieu : il était Américain, il était juif et il était journaliste. Et puis, peut-être, sans (nul) doute même, Daniel Pearl était-il sur le point de révéler quelques secrets, de ces secrets qui dérangent…
Américain, juif et journaliste
Le titre du livre de BHL est trompeur. On sait depuis longtemps qui a tué Daniel Pearl. C’est Omar Sheikh, un islamiste pur et dur, d’origine britannique, un combattant du Djihad au Pakistan. « Cerveau » de l’enlèvement et de l’exécution de Daniel Pearl, Omar Sheikh a, depuis, été arrêté par les autorités pakistanaises et condamné à mort par pendaison. Mais pour Bernard-Henri Lévy, il s’agit bien de savoir « pourquoi » on a tué Daniel Pearl. Qui a « vraiment » tué Daniel Pearl, qui a armé le bras d’Omar Sheikh, et quels secrets le journaliste s’apprêtait-il à révéler quand ses assassins l’ont égorgé.
BHL a couru le monde une année durant pour boucler son « romanquête » sur « l’homme qui en savait trop », devenu un ami posthume. Il a rencontré la famille de Daniel Pearl aux États-Unis, ses collègues du Wall Street Journal dans le monde, et puis les proches d’Omar Sheikh à Londres, etc. Il a fait plusieurs fois le voyage de Karachi, jusque sur les lieux mêmes du crime, à ses risques et périls. BHL fait le portrait de Daniel Pearl, qu’il appelle affectueusement Danny. Le portrait de l’Américain, très « famille » et en même temps « citoyen de la planète », le portrait de l’homme juif « curieux des autres hommes, généreux et ouvert aux cultures du monde », et le portrait du journaliste « qui vivait corps et âme ses reportages »… « Le premier objet de cette enquête ce fut, bien entendu, Daniel Pearl lui-même, l’énigme de ces hommes doux dont parle Dostoïevski, la vie de ce grand journaliste, américain et juif, homme lumineux », dit Bernard-Henri Lévy.
Un tableau moderne du mal
Et puis BHL fait le portrait d’Omar Sheikh. « Comment ça marche, le démoniaque, aujourd’hui ? Que se passe-t-il dans l’âme d’un homme qui, sans raison, de sang-froid, choisit d’épouser le mal, de viser le crime absolu ? Qu’est-ce qui, en ce début de siècle, fait que l’abjection devient désir et destin ? Qui sont ces nouveaux possédés qui pensent que tout est permis ? » BHL explore ces ténèbres en journaliste, en romancier, en philosophe. Son livre propose un tableau moderne du mal. « C’est une descente vers les enfers où couvent, peut-être, nos prochaines apocalypses » dit-il encore.
Tout au long du livre, la question revient, récurrente, obsessionnelle : Qui a vraiment tué Daniel Pearl ? BHL n’a pas de certitudes, mais quelques convictions intimes, fortes, notamment celle-ci : le journaliste américain menait l’enquête sur les liens possibles, probables, entre les services secrets pakistanais (ISI) et l’organisation Al-Qaïda. Bref en filigrane, l’ombre de Ben Laden et du terrorisme international, avec ses réseaux à l’est comme à l’ouest.
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