À quoi joue la Russie ? Un couple de ­Moldaves qui tague des étoiles de David à la demande d’un commanditaire russe. Des jihadistes tchétchènes qui s’agitent en Europe. Un provocateur d’extrême droite, financé par un journaliste de Russia Today, qui brûle un Coran pour déclencher une tempête contre la Suède, juste au moment où elle souhaite entrer dans l’Otan. La télé de Poutine qui peint l’Europe en nazie méprisant les morts civils palestiniens (alors que Moscou a réduit la Syrie en cendres et pilonne les civils ukrainiens depuis bientôt deux ans pour coloniser leur pays !). Des foules antisémites qui se déchaînent dans le Caucase. Et cette conviction, partagée par les mieux renseignés, que la Russie ne pouvait ignorer l’attaque du 7 octobre. Cet article du Wall Street Journal soupçonnant Wagner d’envisager l’envoi de renforts pour épauler le Hezbollah. Et, bien sûr, les coups de menton des supplétifs de l’Iran. De quoi plonger le Moyen-Orient dans l’horreur, et le monde dans la peur d’un embrasement. De quoi détourner l’attention et diviser le soutien à l’Ukraine ?

Voilà à quoi joue la Russie. Aux échecs. Et au jeu de massacre. Il suffit désormais d’une image choc pour allumer un nouvel incendie, grâce à des armées de trolls, pour déchirer et déstabiliser la moindre démocratie. Attention, le Hamas n’a pas attendu Moscou pour commettre ces pogroms. C’est son idée maléfique. Mais la Russie, qu’on a connue en ennemie de Daech, voit désormais l’intérêt de souffler sur les braises jihadistes pour fracturer l’Occident, son véritable ennemi.

Le meilleur moyen de résister est de ne pas oublier l’Ukraine, première ligne des démocraties. D’où l’importance du film de Bernard-Henri Lévy. Comme toujours, des envieux et des aveugles le railleront sans l’avoir regardé. Ne les écoutez pas. Ce documentaire incarné, très réussi, révèle mieux que des reportages vite oubliés la dramaturgie existentielle de ce conflit, son humanité aussi. La dévotion de ses soldats et de ses soldates, la ferveur des volontaires internationaux, les corps meurtris et les gueules cassées, cette jeune Ukrainienne qui se rêvait mannequin et marche en prothèse, une position de tir baptisée « Macron » pour remercier la France, des juifs qui prient pour que l’Ukraine gagne contre le nouveau « nazisme », le vrai. Un film fort et profond. Et l’honneur d’un homme d’être allé dans ces tranchées, à portée de bombes et de drones, au plus près (parfois trop près), en prenant de vrais risques, pour nous rapporter ces images. Son talent aussi de choisir les mots qui réveillent, la grandeur d’âme, la fraternité d’armes, l’universel. Posés en douceur sur les notes sublimes du compositeur ukrainien Slava Vakarchuk, ils convoquent en nous le meilleur. Et nous le rappellent : cette guerre est aussi la nôtre. Nous devons la gagner. 

L’Ukraine au cœur, par Bernard-Henri Lévy et Marc Roussel, mardi 14 novembre à 21 h 10 sur France 2.


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