Établir un dialogue entre art et philosophie, l’ambition des Aventures de la vérité peut paraître vaste. Cette galerie personnelle, composée d’une centaine d’œuvres de toutes les époques et de tous les genres où la sculpture côtoie la peinture, le dessin et le cinéma, se présente volontiers comme un récit, récit des relations tumultueuses entre deux prétentions au vrai qui n’ont eu de cesse de s’opposer, de s’affronter et de se féconder à travers le temps. Histoire de l’art et histoire de la vérité qui, sous la plume de l’auteur, deviennent une seule et même chose.
De larges extraits du Journal tenu par Bernard-Henri Lévy accompagnent le catalogue et révèlent les dessous de l’élaboration de l’exposition. Sans oublier une lettre du philosophe à Olivier Kaeppelin, directeur de la fondation. Les aventures artistiques de l’auteur évoquent immédiatement le « musée imaginaire » de Malraux. Lévy rejette pourtant le terme et affirme sacrifier parfois l’intérêt personnel à la cohérence d’ensemble de son projet, où la réflexion philosophique demeure centrale. Tandis que certaines œuvres sont une référence directe et ludique à la philosophie, tels Les Philosophes de Miroou encore le très provocateur Worldwide trash (thanks for nothing Hegel) de Paul Chan, d’autres dévoilent des significations plus inattendues et détournées.
Le récit se déroule en six séquences ou six « stations », comme on parlerait de stations de train, six arrêts sur un « voyage pictophilosophique » allant du rejet des artistes hors de la cité platonicienne au dialogue complexe entre philosophie et art contemporain. L’histoire cependant, loin d’être seulement linéaire, est l’occasion d’une confrontation permanente entre les classiques et les modernes. Qui fait se rapprocher Platon et Huang Yong Ping, Hegel et Magritte, Nietzsche et Max Ernst.
Que ressort-il en dernière instance de cette confrontation ? A travers le parcours proposé par Lévy s’esquisse une victoire de la création artistique sur la philosophie. Après des siècles de mise à l’écart, l’art acquiert progressivement ses lettres de noblesse et devient la nouvelle forme moderne de la pensée. Paradoxe ultime donc, le philosophe semble s’incliner devant l’artiste.
Malgré les efforts de composition retracés dans les pages de son journal, l’auteur lui-même écarte toute tentation démiurgique, refusant de se poser en « commissaire » de l’exposition, encore moins en artiste. Il laisse ainsi les œuvres à une certaine liberté, infléchie seulement par la nécessité de la démonstration philosophique. Les Aventures de la vérité ont ainsi quelque chose d’un work in progress, révélateur des tâtonnements de son auteur, des interrogations que suscitent les œuvres et leur disposition. Tel un musée virtuel en train de s’élaborer.
Réseaux sociaux officiels