Passons sur les « Mort aux juifs » lisibles sur certaines des banderoles des manifestations de Bruxelles, Paris ou Madrid.
Passons sur ce syndicat italien, le Flaica-Uniti-Cub, qui, selon La Repubblica du 9 janvier, et en « signe de protestation » contre l’opération israélienne à Gaza, appelle – événement sans précédent, en Europe, depuis trois quarts de siècle – à « ne plus rien acheter dans les commerces appartenant à des membres de la communauté juive ».
Je n’aurai pas la cruauté non plus d’insister sur l’axe pour le moins nauséabond qui se constitue quand Mme Buffet, M. Besancenot et d’autres se voient rejoints, en tête de cortège, par le faurissonien Dieudonné ou quand le compère de celui-ci, Jean-Marie Le Pen, vient unir sa voix à la leur pour comparer la bande de Gaza à un « camp de concentration ».
Le hasard fait que c’est de Ramallah, capitale de l’Autorité palestinienne, puis de Sderot, la ville israélienne qui vit, à la frontière de Gaza, sous le feu des roquettes Qassam, que je découvre les images de ces manifestations de soutien à la « cause palestinienne ». Et, voyant donc cela, observant ces foules d’Européens hurlant, vociférant, déchaînés et les observant tandis que, dans les deux cas, je me trouve en compagnie de gens dont le souci reste, malgré les bombes, malgré les souffrances et les morts, de ne surtout pas perdre le fil du vivre-ensemble et du dialogue, je veux ajouter quelques remarques à la série de celles que j’avançais la semaine dernière et qui m’ont valu, de la part des internautes du Point, un si abondant courrier.
1. Quel soulagement de voir des Palestiniens réels au lieu de ces Palestiniens imaginaires qui pensent faire acte de résistance en s’attaquant, en France, à des synagogues ! Les premiers, je le répète, s’obligent à la modération et, avec un admirable sang-froid, tentent de préserver les chances des cohabitations de demain ; les seconds sont enragés, plus radicaux que les plus radicaux et prêts à en découdre, sur le pavé des villes d’Europe, jusqu’à la dernière goutte du sang du dernier Palestinien. Les premiers font la part des choses ; ils savent que nul, dans cette affaire, n’est ni tout blanc ni tout noir ; ils savent que le Hamas, en particulier, porte une responsabilité écrasante dans le désastre où s’est vu précipité son peuple – les seconds, comme si la confusion n’était pas déjà suffisante, gobent avec délectation les bobards les plus énormes de la propagande anti-israélienne ; ils font des théoriciens et praticiens de l’attentat suicide et du bouclier humain des nouveaux Che Guevara dont ils arborent insignes et emblèmes ; au lieu de calmer le jeu, ils jouent la politique du pire et jettent le feu dans les esprits.
2. Quelle régression, quel degré zéro de la pensée et de l’action, chez ces gens qui, à distance, ignorants des données du drame, appellent à la haine quand il faudrait peser, au contraire, dans le sens de la réconciliation et de la paix ! Elle suppose, cette paix, deux États acceptant de vivre côte à côte et de procéder au partage de la terre. Elle suppose, des deux côtés, un renoncement à l’extrémisme, au jusqu’au-boutisme, aux idées toutes faites et même aux rêves. Elle implique, par exemple, un Israël se retirant de Cisjordanie comme il s’est retiré du Liban puis de Gaza –, mais elle implique un camp palestinien qui ne tire pas profit de ces retraits pour, chaque fois, transformer le territoire évacué en base de lancement de roquettes et de missiles tirés sur les seuls civils. Elle passe par un cessez-le-feu ; elle passe par l’arrêt de combats qui sont en train de faire un nombre de victimes, en particulier parmi les enfants, évidemment insoutenable ; mais elle passe aussi par l’élimination politique d’un Hamas qui se fiche comme d’une guigne, et des victimes, et de la paix – et qui, faute d’avoir pu imposer la charia à son peuple, l’entraîne sur la voie du « martyre » et de l’enfer.
3. Je suis à Ramallah, donc. À Sderot et à Ramallah. Et voyant, de Sderot et Ramallah, cette mobilisation contre un « holocauste » qui a fait, à l’heure où j’écris, 888 morts, je pose une question simple. Où étaient-ils, ces manifestants, quand il s’agissait de sauver, non les 888, mais les 300000 morts des massacres programmés du Darfour ? Pourquoi ne sont-ils jamais descendus dans la rue quand Poutine rasait Groznyï et qu’il transformait des dizaines de milliers de Tchétchènes en fagots humains et en gibier ? Pourquoi se sont-ils tus quand, un peu plus tôt encore, pendant d’interminables années et, cette fois, au cœur de l’Europe, on extermina 200 000 Bosniaques, dont le seul crime était d’être nés musulmans ? Il y a des gens, apparemment, pour qui il n’y a de bon musulman qu’en guerre contre Israël. Mieux : voici de nouveaux adeptes du vieux « deux poids, deux mesures » qui ne se soucient de la souffrance d’un musulman que lorsqu’ils se croient autorisés à l’imputer aux juifs. L’auteur de ces lignes a été au premier rang de la mobilisation en faveur des Darfouris, des Tchétchènes, des Bosniaques. Il plaide, depuis quarante ans, pour un État palestinien viable, au côté de l’État d’Israël. On lui permettra, à ce double titre, de trouver ce type d’attitude à la fois répugnant et frivole.
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