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Alain Minc

Par Liliane Lazar

Alain Minc et BHL se connaissent depuis le lycée. Le second a été l’éditeur du premier. Les deux intellectuels partagent souvent une même vision du monde.

Portrait d'Alain Minc
Alain Minc. ©AFP

Alain Minc et Bernard-Henri Lévy

Les deux hommes ont le même âge et se connaissent depuis les bancs du Lycée Louis-le-Grand où, à la fin des années soixante, l’un préparait le concours d’entrée à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm et l’autre les concours d’entrée aux grandes écoles scientifiques. Ils se sont perdus de vue puis retrouvés, dix ans plus tard, grâce à un ami commun François Henrot. Ils sont souvent d’accord sur l’essentiel (les grands choix philosophiques, les choix de société). Souvent en désaccord sur l’accessoire (voter ou soutenir untel, unetelle). C’est Lévy qui a présenté Minc à François Pinault et à Edouard Balladur. C’est Minc qui a réconcilié Lévy avec Nicolas Sarkozy et Minc, aussi, qui a organisé la connexion avec Jean-Marie Colombani au temps où les deux hommes régnaient sur Le Monde. Longtemps, Bernard-Henri Lévy a été l’éditeur d’Alain Minc. L’estime étant réciproque, Minc n’a pas davantage « manqué » à Lévy aux grands carrefours de la vie de celui-ci.

Alain Minc à propos de Bernard-Henri Lévy

C’est un ami de plus de trente ans. C’est quelqu’un qui n’a pas vieilli. Il a été mon éditeur, il l’est encore. On a presque toujours été d’accord. Un intellectuel qui ne se trompe guère en trente ans, c’est rare. En vingt-cinq ans, il n’a pas fait une vraie erreur de positionnement. C’est rarissime. Il tombe toujours juste parce qu’il a une espèce de boussole morale qui fait qu’il tombe au bon endroit.

11 novembre 2001, émission « Vivement dimanche » de Michel Drucker.

Produit de sa génération mais lucide sur son époque, prestidigitateur mais jamais dupe, ambigu mais faisant de l’ambivalence sa force, BHL est le meilleur esprit des enfants de 68. C’est le seul dont l’itinéraire ne va pas en ligne droite du « bassin des Ernests » de Normale sup à l’aigreur académique ou à l’ironie réactionnaire. Voilà trois cent cinquante pages qui résument les deux pôles de la vie de Bernard : d’une part, parcourir les confins du monde en jouant les héritiers d’Hemingway sur les fronts les plus bizarres ; de l’autre, labourer ses classiques en lisant Hegel, Fichte ou Freud non plus avec les yeux du khâgneux qu’il fut mais à travers le filtre de la réalité.

A propos de Réflexions sur la guerre, dans Le Fracas du monde, Journal de l’année 2001, Le Seuil, 2002.

Bernard-Henri Lévy à propos d’Alain Minc

Ce qui frappe chez lui ce n’est pas seulement le brio, ni la témérité des points de vue. Ce n’est pas l’encyclopédisme des connaissances ni les analyses, quoi qu’on en dise, assez sûres. C’est, dans le « grand jeu » qu’est aussi le paysage intellectuel français contemporain, l’aptitude rare – et, à mon sens, plus remarquable encore – à avoir toujours, comme par méthode, un coup d’avance sur la plupart.

Questions de principe V, Livre de Poche, coll. « Biblio essais », 1995, p. 80.

Minc est courageux. C’est un homme de convictions. Cet essayiste que l’on nous présente comme l’incarnation même de l’élite et de son arrogance, cette bête noire des populistes et des imbéciles de tout poil, cet intellectuel qui passe pour le représentant le plus éminent de la « pensée unique » et donc, si les mots ont un sens, du conformisme politique, cet homme-là est d’abord un esprit libre qui n’a jamais craint de prendre des risques et, d’abord, celui d’avoir systématiquement une longueur d’avance sur la plupart de ses contemporains.

Récidives, p 952, 1996, à propos du livre d’Alain Minc, Antiportraits, Gallimard.


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