Alain Robbe-Grillet et Bernard-Henri Lévy
Alain Robbe-Grillet et Bernard-Henri Lévy sont des amis de longue date.
Le 7 septembre 2010, le livre Pièces d’identité vaut à son auteur, de recevoir le prix Saint-Simon, qui récompense, chaque année, une autobiographie. Au cours de l’allocution qu’il prononce à cette occasion – allocution qui s’intitule « Qu’est-ce, après tout, qu’une autobiographie ? » – Bernard-Henri Lévy déclare, entre autres : « Mon nom, Lévy, ne s’entend-il pas, aussi les vies ? J’ai le goût des œuvres à identité variable : la double vie de Romain Gary ; l’aventure hétéronymique de Pessoa ; ce rendez-vous, cette volière, cette fourmilière qu’est le moi de ce genre d’écrivains… » Alain Robbe-Grillet fait partie de « ce genre d’écrivains ». Une multiplicité d’Alain Robbe-Grillet hante à la fois ses livres et ses films, sans parler de sa vie même ; Bernard-Henri Lévy continua, après la mort de Robbe-Grillet, de présenter son œuvre ici ou là, comme il l’a fait, par exemple, en 2010, à New York, montrant à des spectateurs passionnés ce making-off de L’Année dernière à Marienbad tourné par l’actrice Françoise Spira, leur faisant découvrir les images anciennes d’un homme toujours vivant malgré sa mort annoncée.
Bernard-Henri Lévy à propos d’Alain Robbe-Grillet
Depuis quand je connais Alain Robbe-Grillet ? Oh, je ne sais plus… Nuit des temps… Aussi loin que je me souvienne. Alain est dans mon paysage littéraire et amical. Sa gaité. Son insolence. Son goût de l’intempestif. Sa liberté absolue à l’endroit de toutes les conventions – jusque et y compris cette convention de l’anti-convention qui aurait voulu le dissuader d’entrer à L’Académie.
Les images que je garde de lui ? Étrangement des images très physiques – j’ai presque envie de dire des images athlétiques. Sur un tournage, il était un prodige d’énergie. A table, il buvait comme un jeune homme. Et j’ai l’impression qu’il a gardé jusqu’au bout ce goût très vif des jeunes femmes qui a aussi fait de lui l’un des personnages les plus scandaleux de son époque.
Son apport à l’histoire du cinéma ? L’art du récit brouillé. La fin du conflit central. La bande-son et l’image désaccordées – plus que chez Jean-Luc Godard et il me semble avant lui. Le cinéma comme une image mobile, non de l’éternité, mais de l’éternel malentendu entre les voix, les gestes, ou les réticences des humains.
Son apport à l’histoire de la littérature ? L’art du récit sec, sans psychologie, vide de subjectivité. Un concept de subjectivité, vide elle-même, sans intimité ni intériorité. Juste un point. Un lieu géométrique. Un point de contact entre un dehors envahissant et un dedans inexistant. Ah ! se délivrer de la vie intérieure, soupirait Sartre ! Se délivrer de cette maladie française qu’est le culte de la vie intérieure ! Eh bien voilà. Robbe-Grillet. C’est Robbe-Grillet qui aura réalisé le programme sartrien. Le pape. Le patron.
Extrait de « Alain Robbe-Grillet vivant », article paru dans le New York Times du 23 février 2008, repris dans Questions de principe XI : Pièces d’identité, pp. 472-475.
Alain Robbe-Grillet à propos de Bernard-Henri Lévy
Je livre ici un souvenir personnel d’Alain Robbe-Grillet et ses commentaires au sujet de Bernard-Henri Lévy.
En 1980, Alain Robbe-Grillet et Bernard Henri Lévy étaient tous les deux des visiting professors à New York University. Le cours de Bernard-Henri Lévy, « Les intellectuels français depuis l’Affaire Dreyfus à nos jours » fut suivi par celui d’Alain Robbe-Grillet, « Le Nouveau Roman depuis 1953 ».
Étudiante à cette époque, je suivis ces deux cours. Je me souviens qu’Alain Robbe-Grillet, dès son premier cours nous parla chaleureusement de Bernard-Henri Lévy. Il voulut savoir combien d’étudiants avaient suivi le cours de son compatriote et nos réactions. Comme tous les commentaires étaient fort élogieux, il sembla satisfait et nous dit qu’il était content de voir que Bernard-Henri Lévy était mieux apprécié à New York University qu’en France où ce jeune auteur talentueux suscitait beaucoup de jalousie et de controverse.
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