M

Alberto Moravia

Par Liliane Lazar

Bernard-Henri Lévy considère Moravia comme « l’exemple type du grand écrivain sous-évalué », au parcours politique juste.

Portrait en noir et blanc de l'écrivain italien Alberto Moravia.
Alberto Moravia en 1979. ©Ulf Andersen

Alberto Moravia et Bernard-Henri Lévy

Bernard-Henri Lévy considère Moravia comme « l’exemple type du grand écrivain sous-évalué » (Pièces d’identité). Il admire sa liberté de parole, non seulement dans ses romans, mais également dans ses articles ou quand, à la télévision, il lui arriva de traiter de sujets délicats (entre autres, de l’inceste). Il admire celui qui, enfant avait passé des années allongé dans un sanatorium, et qui devint un voyageur si mobile, si ancré dans la réalité de son temps, et passant avec aisance de l’écriture de nouvelles ou de romans à l’écriture de scénarios, de pièces de théâtre, de textes critiques et politiques. Moravia avait une haute idée de l’écriture – une haute idée que BHL partage –, l’idée que, loin d’être un passe-temps raffiné, l’écriture est un outil de connaissance à la fois charnelle et intellectuelle. Et c’est en cela que Moravia rejoint, pour BHL, les grands écrivains du XXe siècle, ceux qui ont su embrasser la diversité du réel, chair et esprit confondus, tels par exemple un Robert Musil ou un Hermann Broch.

Bernard-Henri Lévy à propos d’Alberto Moravia

« Il y a toute une réflexion, et des tas de confidences, de Moravia sur sa manière d’écrire. Et ce qu’il y a, là, d’assez beau c’est toute une méditation du rapport de la littérature à l’œil, et toute une méditation du rapport de la littérature à l’oreille, et comment il est passé, lui, Moravia, de l’oreille à l’œil, ou l’inverse – bref, des pages et des pages sur le côté physique, littéralement physique, de la littérature. L’œuvre de Moravia, c’est une œuvre à deux voies. Ou à deux voix. Il y a la voie et la voix des gestes, des actes, des opérations de la vie. Et puis il y a la voie, ou la voix, des lettres mises en mouvement. Moravia avait, si vous préférez, deux manières d’opérer qui prenaient le relais l’une de l’autre et ne faisaient jamais double emploi. Une manière d’opérer qui consistait à voyager, bouger, aimer une fille, la désirer, la posséder ou se laisser posséder par elle (le sexe : autre instrument de connaissance, disait-il ; autre machine d’intelligence des êtres et des choses). Et puis une autre manière d’opérer, qui prenait le relais de la première, qui commençait quand la première se révélait impuissante, ou insuffisante, et c’était la littérature. J’aime cela. Je suis frappé par cette consubstantialité entre les gestes de vie et les gestes de la lettre. »

« Un vivant qui ne passe pas – De l’importance – méconnue – d’Alberto Moravia dans l’histoire intellectuelle du XXe siècle », allocution prononcée le 30 octobre 2007 à l’Institut culturel italien de Paris, et reprise dans « Pièces d’identité », pp. 445-451.

« Et puis […] la politique. […] Peu d’écrivains au XXe siècle peuvent s’enorgueillir, sur ce terrain, d’un parcours aussi juste. […] Sur le fond, sa conviction ne varia guère : un antifascisme qui ne se prolongerait pas en antitotalitarisme serait un antifascisme en peau de lapin… Thèse qui, dans l’histoire du XXe siècle, quand on connait un peu l’histoire des grands intellectuels du XXe siècle, n’est […] pas si fréquente que cela – des antifascistes jusqu’au bout, des antitotalitaires conséquents, des antitotalitaires qui ont tout de suite perçu la dimension fasciste du communisme, la très grande proximité, la très grande solidité, de l’axe Berlin-Moscou, des intellectuels qui ont saisi ce qu’il en est, vraiment, de la figure prolétaryenne moderne, ils ne sont pas légion, il n’y en a pas tant que cela et il fut l’un d’eux. »

Idem.


Autres contenus sur ces thèmes