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Angola

Par Ferreira Matos

Ferreira Matos, journaliste angolais basé à Luanda, évoque le lien qui unit Bernard-Henri Lévy et l’Angola. Un lien ancien ravivé en 2001 par un long reportage sur les guerres oubliées qui évoque le sort des chercheurs diamants.

Chercheurs de diamants en Angola, ils tamisent le sable des rivières.
Image extraite du film « Blood Diamond » d’Edward Zwick.

L’histoire de Bernard-Henri Lévy avec l’Angola est une histoire ancienne.

J’ai retrouvé une nouvelle brève, parue dans le journal portugais O Secolo, qui fait état d’une déclaration de Bernard-Henri Lévy sur l’Angola, prononcée apparemment devant une assemblée de militaires révolutionnaires à Lisbonne, à l’été 1974, car il était là pour soutenir le mouvement révolutionnaire : « Salut au peuple d’Angola qui est à l’origine de tout ; c’est la périphérie qui, comme toujours, a commandé au centre ; et c’est des colonies qu’est venu le déclenchement de votre révolution ».

Je connais aussi, à Luanda, un journaliste retraité du Jornal do Angola, Adriano Nunes, qui a vu arriver Bernard-Henri Lévy, encore jeune écrivain, à l’automne 1975, à Luanda. Plus tard, Bernard-Henri Lévy se souviendra de ce séjour puisqu’il y fera allusion dans l’une des premières pages de son best-seller mondial, La Barbarie à visage humain. La phrase exacte est : « Si j’avais été peintre, mais Courbet mieux que David, j’aurais figuré le ciel aux couleurs de poussière qui pèse sur Santiago, Luanda ou la Kolyma ».

Et quand le journal français Le Monde lui demandera de choisir les cinq guerres oubliées dans lesquelles il souhaitait se rendre et sur lesquelles il voulait enquêter, Bernard-Henri Lévy cita la Colombie, le Sri Lanka, le Soudan, le Burundi – mais aussi l’Angola.

« Voulez-vous que je vous raconte la guerre d’Angola ? Voulez-vous que je vous dise les quinze ans de la guerre de libération, puis les vingt-cinq années de la guerre entre Angolais – le Mpla d’un côté et, de l’autre, l’Unita de Savimbi, qui refuse de s’avouer vaincu et continue le combat depuis la brousse ? Quinze plus vingt-cinq, cela fait quarante : est-ce que ce n’est pas la plus longue guerre de l’histoire de l’humanité ? »

Réflexions sur la Guerre, le Mal et la fin de l’Histoire, p. 32

Ce reportage avait un point de vue, ce qui n’allait pas dans le sens de la parfaite objectivité que l’on attend en général des journalistes. Mais BHL n’est pas journaliste, c’est un écrivain, un philosophe, et de ce point de vue il a accompli son travail.

Il a visité les villes détruites, comme Kuito et Huambo Il est allé dans les zones qui étaient alors les plus dangereuses car on s’y battait : Porto Amboim, Benguela, Menongue, Bailundo.

Il a pris des avions qui, pour éviter les missiles sol-air que les combattants de l’Unita envoyaient sur tout avion soupçonné de voler pour le gouvernement, ne pouvaient atterrir qu’en restant le plus longtemps possible dans les nuages et en se laissant tomber en vrille, à pic.

Il a circulé dans des camions chargés de marchandises, qui pouvaient se faire rançonner à tout moment.

Il s’est mêlé à la population dont il a compris les souffrances.

« Des ruines et des amputés ; combien d’amputés, depuis vingt ans, en Angola ? combien de ces moignons mal faits, impossibles à appareiller, ulcéreux ? combien de ces corps en bouillie, mal raccommodés, effrayants, dont Huambo, comme Luanda, sera le linceul ? Nul n’en sait rien ; le gouvernement s’en moque et nul n’en sait rien. »

Réflexions sur la Guerre, le Mal et la fin de l’Histoire, p. 34.

Il a vécu le quotidien des femmes et des hommes d’Angola, au pire moment pour eux.

Et, surtout, il a témoigné de la souffrance de ceux qui, en Angola, et en particulier dans les Lundas, sont considérés comme les derniers des derniers et traités comme des esclaves : les chercheurs de diamants. Peu d’hommes ont fait cela. J’ai lu peu de pages sur le sujet aussi fortes que les pages qu’il a consacrées à ces hommes dans son reportage et qu’il a reprises dans le livre intitulé Réflexions sur la Guerre, le Mal et la fin de l’Histoire.

Nous sommes reconnaissants à Bernard-Henri Lévy, de n’avoir jamais abordé cette guerre de manière manichéenne. Il a mené ce combat dans la grande tradition de la philosophie française de tolérance et de démocratie.


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