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Charles Péguy

Par Liliane Lazar

Si BHL reconnaît la valeur d’une part de l’oeuvre de Péguy, une autre partie reste, à ses yeux, critiquable.

Portrait de Charles Péguy
Charles Péguy ©Eugène Pirou

Charles Péguy et Bernard-Henri Lévy

« Bernard-Henri Lévy n’aime pas Péguy », note son biographe Philippe Boggio. Il faut distinguer de quel Péguy on parle. Car il y a au moins deux Péguy. Il y a d’abord le Péguy qui fut à l’avant-garde du mouvement dreyfusiste. Ce Péguy-là, BHL en respecte la fougue : il sait que ce sont Bernard Lazare, Lucien Herr, Émile Zola et Péguy qui, assumant une « injure » que Barrès leur avait adressée, ont revendiqué le beau nom d’« intellectuels ». En revanche, BHL n’apprécie guère le second Péguy, le socialiste révolutionnaire et contempteur de la modernité, le patriote délirant et nationaliste exacerbé, celui qui fit la guerre « en l’aimant », tel un Montherlant ou un Drieu et à la différence d’un Malraux, celui, enfin, qui exprima à quel point il désirait son destin sacrificiel dans des vers du poème Ève, aussi prémonitoires que discutables : « Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle / Mais pourvu que ce soit dans une juste guerre ! ».

Bernard-Henri Lévy à propos de Charles Péguy

« (Après leur victoire, les dreyfusards eux-mêmes) ces militants fraternels, ardents, qui ont lutté au coude à coude pour la défense de leur martyr, commencent, maintenant qu’ils ont gagné, de retrouver leurs motifs de discorde et se livrent, à leur tour, la plus impitoyable des polémiques.

D’un côté, en effet, les bourgeois. Ou plutôt les embourgeoisés. […] Tous ceux, autrement dit, dont le bon choix dreyfusard a fini par servir la carrière et qui règnent sur la Sorbonne en même temps que sur une République qui ne volera pas son nom de “République des Professeurs”.

De l’autre côté, les intraitables, les insoumis, tous ceux qui, comme […] Charles Péguy dans sa boutique, enragent de voir la belle mystique dreyfusarde se dégrader en politique, et entendent maintenir, eux, la flamme des débuts. Le malheur étant que, emportés par leur rage, entraînés par cette haine pour leurs anciens camarades devenus les maîtres du pays, ils se laissent aller à parler comme leurs ennemis d’hier, Maurice Barrès en tête. A bas la démocratie ! dit maintenant Péguy. A bas le suffrage universel ! Vive l’énergie nationale ! Vive l’instinct de la race ! Vive le tambour français ! Vive les canons français, fins et maigres comme des adolescents français ! Vive la guerre qui est devenue l’espérance de tous les vrais Français ! Pauvre Péguy, pauvre lieutenant Péguy qui y part, en effet, à la guerre, comme Apollinaire, la fleur au fusil, persuadé – c’est toujours lui qui parle – que “la première gloire est vraiment la gloire de la guerre”. Le voici dans la boue maintenant. Le voici sous ce feu que, dans sa démence nationale et guerrière, il avait égalé de ses vœux. Le voici exposé, à la tête de sa petite compagnie. Le voici par un après-midi de septembre dans cette plaine de la Brie, si peu semblable, s’en rend-il compte, à ces champs de blé brûlé dont il rêvait, et où s’illustraient jadis les soldats de l’ancienne France… »

Commentaire écrit et dit par Bernard-Henri Lévy pour sa série documentaire télévisée Les Aventures de la liberté.


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