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Ernest Hemingway

Par Liliane Lazar

L’ombre d’Ernest Hemingway rôde, non seulement dans l’œuvre de Bernard-Henri Lévy, mais également dans sa vie, comme une figure tutélaire.

Portrait en couleur d'Ernest Hemingway
Ernest Hemingway. ©D. R.

Ernest Hemingway et Bernard-Henri Lévy

L’ombre d’Ernest Hemingway rôde, non seulement dans l’œuvre de Bernard-Henri Lévy, mais également dans sa vie. C’est l’une de ces figures tutélaires qui le poussèrent, dès 1971 et le Bangladesh, à vouloir devenir à la fois grand reporter, correspondant de guerre et écrivain. Mais il y a plus. Il y a qu’Hemingway s’est jeté, à corps et âme perdus, dans les guerres emblématiques du XXe siècle : la Grande Guerre d’abord, puis la guerre d’Espagne, sinistre répétition générale de la déflagration qui devait suivre : la Seconde Guerre Mondiale. Il y a le fait qu’Hemingway a parfois outrepassé son rôle de témoin, par exemple lorsque, après le débarquement des Américains en Normandie, il ne se contenta pas, la libération de l’Europe étant amorcée, d’être un simple correspondant de guerre mais voulut, à proprement parler, faire la guerre, ce qui lui fut violemment reproché, mais la faire « sans l’aimer », comme Malraux, qui inventa cette belle formule, comme aussi Georges Orwell ou Romain Gary. On voit reparaître là, autour d’Hemingway, le panthéon intime de Bernard-Henri Lévy. N’oublions pas la fascination que l’auteur des Derniers jours de Charles Baudelaire éprouve aussi pour les grands écrivains névrosés et que hante le tragique de la condition humaine. En conséquence de quoi on ne s’étonnera pas qu’en écrivant puis en tournant Le Jour et la nuit, BHL ait projeté sur Alexandre (Alain Delon) toutes les figures tutélaires précédemment citées et, en particulier, celle de Hemingway.

Bernard-Henri Lévy à propos d’Ernest Hemingway

« À Rochester, Minnesota, cette ville ingrate, infestée de moustiques l’été et, j’imagine, glacée l’hiver, équidistante de Boston et de Los Angeles et, donc, centrale pour le voyageur coast to coast, c’est à Ernest Hemingway que je pense tout de suite. N’est-ce pas ici, juste au-dessus de la ville, qu’en 1959, en pleine dépression maniaque, il manque se jeter de son avion-taxi ? Et n’est-ce pas à Mayo même, dans cette clinique de pointe qui est le but de ma visite, qu’il est admis le 30 novembre 1960 puis, à nouveau, en mai 1961 : officiellement pour diabète sucré et hypertension, en réalité pour y subir, sous le nom d’emprunt de George Saviers, dans le service dit des suicide watch, des malades suicidaires et à surveiller de près, la double série d’électrochocs dont nombre d’hemingwayens croient, aujourd’hui encore, qu’elle a précipité sa perte ? Cette mémoire littéraire, (la clinique de Mayo) ne semble pas particulièrement la chérir : pas de trace du docteur Howard Rome qui fut à l’origine de la double décision, d’abord de traiter psychiatriquement, puis de laisser sortir l’auteur de Paris est une fête ; pas de portrait de lui dans le Plummer Building où sont les photos de tous les médecins qui ont marqué l’établissement ; pas de document de tout cela quand tout, d’habitude, fait document ; embarras quand j’évoque le sujet ; grands yeux incrédules de Jessica, l’attachée de presse de la clinique, quand je lui cite le mot de Martha Gellhorn, l’une de ses ex-femmes, murmurant, après la mort de Papa, que “la clinique Mayo a fait des erreurs terribles” et que la première de ces erreurs fut de laisser filtrer l’identité réelle du faux George Saviers ; stupeur, apparemment non feinte, quand j’évoque les soupçons récurrents, chez les hemingwayens les plus dévots, d’une possible connivence entre le bon docteur Howard Rome et le FBI d’Edgar Hoover qui a longtemps passé pour acharné, dans ces années, à la perte du vieux Rouge, ancien de la guerre d’Espagne et ami de Fidel Castro ; dossier inaccessible, de toute façon, finit-on par me répondre ; vieille histoire ; affaire classée ; rideau. »

American Vertigo, Livre de poche, pp. 88-89.


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