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Françoise Giroud

Par Liliane Lazar

Françoise Giroud et BHL ont écrit un livre ensemble, « Les Hommes et les Femmes », fondé l’AICF, et ainsi entretenu une vive amitié.

Portrait en couleur de Françoise Giroud en train d'écrire à son bureau
Portrait de Françoise Giroud.

Françoise Giroud et Bernard-Henri Lévy

Quand Bernard-Henri Lévy rencontre Françoise Giroud, au début des années 70, il a à peine dépassé la vingtaine. Dès 1975, il rend hommage à la journaliste et co-fondatrice de L’Express en signant dans L’Imprévu, avec Michel Butel , un éditorial intitulé : « Françoise Giroud ou la douceur de vivre avant la révolution ». Mais, en 1986, alors qu’il accuse Mengistu, le « Négus rouge », d’utiliser les secours envoyés en Éthiopie pour déporter les dissidents, il s’oppose, au sein de l’AICF, à la même Françoise Giroud, qui lui donne tort avec violence, provoquant entre eux une brouille sévère. Ils se réconcilient quatre ans plus tard. En 1993, ils improvisent, autour de l’amour et du désamour, des échanges qui deviendront Les Hommes et les femmes. Enfin, c’est Bernard-Henri Lévy qui prononcera, le 22 janvier 2003, au Père-Lachaise, l’éloge funèbre de son amie.

Françoise Giroud à propos de Bernard-Henri Lévy

Vendredi 19 février. Bernard-Henri Lévy vient travailler avec moi (sur Les Hommes et les femmes, NDLR.) Tout amaigri par ses pérégrinations, il a l’air d’un beau chat noir affamé. Nous ne sommes pas satisfaits de notre premier chapitre, qui manque de vivacité. Ce dialogue que nous avons mené ensemble depuis l’été, est-il bon, est-il mauvais ? Divertissant ? Plat ? Stimulant ? Insignifiant ? Je n’en ai pas la moindre idée. Au moins y avons-nous pris plaisir.

Journal d’une Parisienne – 1993, vol.1, p.90.

Jeudi 25 novembre. Les lieux et les choses n’intéressent pas Bernard-Henri Lévy. Il n’a de regard que pour les êtres humains.

Idem, p. 378.

Écrit, pour L’Obs, un long article sur le journal de Bernard-Henri Lévy pendant la guerre en Bosnie. Le titre est beau : Le Lys et la cendre. Le livre a cette qualité particulière des journaux, où émotions et anecdotes sont enregistrées au jour le jour et non reconstituées de mémoire. Il est bourré de choses intéressantes. Et puis il est pathétique. Car c’est bien une histoire d’amour que BHL a vécue avec la Bosnie, ce sont les motifs les plus nobles qui l’ont engagé auprès de ce petit pays, c’est aussi, bien sûr, le désir non moins noble de faire l’histoire, comme d’illustres prédécesseurs parmi les intellectuels… Et c’est en vain qu’il s’est tant battu, en particulier contre Mitterrand qui lui disait : « Moi vivant, jamais, vous m’entendez bien, la France ne fera la guerre à la Serbie. » Maintenant, il voit le président Izetbegovic sous les traits d’un vaincu, et la petite Bosnie toute rabougrie défaite… Il n’a pas tort.

Journal d’une Parisienne, vol.3, p. 29.

Bernard-Henri Lévy à propos de Françoise Giroud

Chère Françoise… Douce et terrible Françoise… revenue de tout mais de rien… S’étonnant d’être née mais pas de devoir mourir… Pessimiste, probablement désespérée – « recommencer ! ah non, la balance des douleurs est trop lourde !… » – et, en même temps, si vivante, indomptable…

Questions de principe VII : Mémoire vive, p.235.

On manque le mystère de cette femme si l’on ne mesure l’extraordinaire talent qu’elle aura mis, sa vie durant, à transformer sa névrose, son échec à s’aimer tout à fait, la distance intérieure qu’elle avait instaurée, en amour des autres, tous les autres, à commencer, bien entendu, par ceux qui ont la chance d’avoir été ses amis – « on ne guérit pas de son enfance », m’avait-elle dit, un jour, il y a longtemps, où elle me racontait l’histoire de ce père qui, à sa naissance, aurait crié : « je voulais que ce soit un garçon » ;mais on peut, de sa névrose, faire un destin ; on peut la convertir en lucidité et, de cette lucidité, faire l’énergie d’une bonté ; et c’est exactement cela qu’a fait Françoise Giroud.

Discours prononcé au crématorium du Père-Lachaise le 22 janvier 2003, repris dans Questions de principe IX : Récidives, p. 673.

Je me souviens […] de la Françoise engagée : je la vois à Sarajevo et à Sebrenica ; je la vois, à Paris, quand nous fondions l’AICF, puis dans nos manifestations pour la Bosnie ; nous étions trois pelés, deux tondus, à battre le pavé – mais Françoise, qui avait l’âge des honneurs et des considérations mandarinales, était toujours là, fidèle au petit groupe que nous formions, toute pâle, toute fragile. Il y avait de la colère chez cette Françoise. Il y avait de la révolte contre la France qui se couchait. Il y avait le souvenir inflexible des années de honte où elle s’était, elle, si bien conduite – jolie Françoise que j’imagine dans ce premier emploi d’« agent de liaison » dans la Résistance : personnage délicieusement modianesque, petite ombre dans l’armée des ombres, efficace, obstinée. Mais il y avait aussi cette bonté. Il y avait – je veux en témoigner – ce souci de l’autre, cette compassion, cette émotion jamais en défaut face au scandale d’un visage outragé.

Idem, p. 674.


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