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Hegel

Par Liliane Lazar

BHL a souvent interrogé, notamment dans son Siècle de Sartre, la pensée du philosophe allemand Hegel, et son influence.

Portrait du philosophe allemand Hegel par Jakob Schlesinger, 1831.
Hegel, par Jakob Schlesinger, 1831.

Hegel et Bernard-Henri Lévy

Bernard-Henri Lévy a conté avec brio, dans son Siècle de Sartre, l’histoire de la « fascination extraordinaire » de Hegel « tant sur ses contemporains que sur ses successeurs ». Il a brossé le tableau d’intellectuels français – Jean Wahl, Georges Gurvitch, Alexandre Koyré, Alexandre Kojève, André Breton, Georges Bataille, Jean Hyppolite, Emmanuel Levinas, Jacques Lacan, Raymond Queneau, Raymond Aron, Roger Caillois, Maurice Blanchot, Claude Lévi-Strauss, Louis Althusser, Michel Foucault, Jacques Derrida, pour n’en citer que quelques-uns – emportés dans le maelstrom de l’idéalisme hégélien. Il a peint, comme dans l’une des grandes peintures qui ressuscitent des batailles légendaires, ceux qui, dressés contre le grand philosophe allemand, s’opposèrent à ses thuriféraires et qu’il appelle les « Juifs-de-Hegel », les uns contestant, non le contenu du message prophétique, mais son côté napoléonien (Karl Marx), les autres s’en prenant à la notion même de Messie (Nietzsche, Kierkegaard, Schopenhauer, Adorno, Derrida), d’autres encore passant sans cesse, comme affolés, d’un camp à l’autre (Georges Bataille, Michel Foucault, Jean-Paul Sartre). Bernard-Henri Lévy détaille le « cas Sartre » avec, tout à la fois, force et subtilité, montrant à quel point le farouche « Juif-de-Hegel » des débuts finit par céder, dans la Critique de la raison dialectique, au prestige des militants révolutionnaires aux grands dépens de celui des aventuriers – ce qui l’amènera à prononcer le funèbre éloge de la violence, c’est-à-dire du lynchage et du terrorisme.

Bernard-Henri Lévy à propos de Hegel

« On n’insistera jamais assez sur l’extraordinaire rayonnement des cours [sur Hegel] d’Alexandre Koyré, en 1933-1934, à la section des Sciences religieuses de l’École pratique des Hautes Études, puis, à partir de l’année suivante, ceux d’Alexandre Kojève s’emparant, lui, carrément, de la Phénoménologie et la commentant, six années durant, paragraphe après paragraphe, ligne à ligne – tous deux, surtout Kojève, acclimatant ainsi, face à un public sidéré, le thème hégélien si étrange, si déroutant et, avec son parfum d’apocalypse sèche, si profondément effrayant, de “la fin de l’Histoire”.

Hegel n’a jamais parlé, vraiment, de “fin de l’Histoire” ?

Koyré, quoi qu’en dise Kojève, évoque l’hypothèse, mais justement comme une hypothèse : “Il est possible (il répète, plusieurs fois, “possible”) que Hegel l’ait cru ; “il se peut” (il insiste sur le “il se peut”) qu’il ait pensé, non seulement que “c’était la condition essentielle du système”, mais “que cette condition essentielle était déjà réalisée”, que “l’histoire était effectivement achevée…”

Les rares occurrences de la formule chez Hegel lui-même se trouvent soit dans La Raison dans l’Histoire (“L’histoire mondiale va de l’Est à l’Ouest, car l’Europe est véritablement le terme de cette histoire et l’Asie son commencement”), soit dans les Leçons sur la philosophie de l’histoire mondiale (“Le principe s’est accompli et, par suite, la fin des temps est advenue”), c’est-à-dire dans des textes qui, nous le savons, furent composés à partir de notes d’étudiants. »


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