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Jacques Lacan

Par Liliane Lazar

BHL raconte avoir osé commencer à philosopher après sa lecture de Jacques Lacan. Retour sur cette influence philosophique majeure.

Portrait du psychanalyste Jacques Lacan, il porte des lunettes et un noeud papillon
Jacques Lacan en 1967. ©Botti/Gamma-Rapho

Jacques Lacan et Bernard-Henri Lévy

Rappelons que Bernard-Henri Lévy a écrit, dans « Pour une charte de la psychanalyse » (2003), repris dans Récidives, qu’il « a pu, un jour, oser commencer de philosopher grâce au texte de Freud, ainsi qu’à sa relecture, sa redécouverte par Jacques Lacan ». C’est lors de ses années de khâgne et d’hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand qu’il découvre le séminaire de Lacan à l’ENS. Il fait partie du service d’ordre qui, en 1971, tente de s’opposer à l’expulsion manu militari de Lacan. Lacan est présent, même s’il y est très peu nommé, dans La Barbarie à visage humain, notamment derrière la notion de « Maître », qui « a toujours raison parce qu’il est l’autre nom du Monde ». Y transpercent aussi la pensée de Lacan comme théorie structurale du langage et du désir, ainsi que son pessimisme « à l’endroit de toutes les lois de l’histoire ». Rien d’étonnant, donc, à ce que BHL ait soutenu ses amis de l’École freudienne dans leur combat, d’abord contre l’amendement Accoyer, voté en 2003 à l’Assemblée nationale, ensuite contre l’idéologie « cognitiviste » dont les prétentions « scientifiques » et l’appel à des « techniciens de l’âme » relèvent d’un « fétichisme du chiffre » et ne sont qu’une grimace des sciences exactes que Lacan voulait « suturer » au sort de la psychanalyse.

Bernard-Henri Lévy à propos de Jacques Lacan

« La science, la vraie, est affaire de poème, oui, je dis bien de poème, autant que de mathème et de théorème. […] Cette science dont je vous parle, et dont parlait Canguilhem avec un brio inégalé, c’est celle qu’invoque Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, dans son ode aux “mathématiques sévères” dont les “savantes leçons” sont “plus douces que le miel” et semblables à une “onde rafraîchissante” qui vous entraîne “vers la voûte sphérique des cieux”.

C’est celle à laquelle songe Lacan quand il s’intéresse à Cantor, à Gödel, à Soury le suicidé, à Guilbaud, et quand, avec eux, après eux, dans leur langue qui est devenue la sienne, il s’intéresse à l’image du ruban de Möbius et y trouve le levier qui lui permet de soulever, sinon le monde, du moins la chape que font peser, sur la définition du sujet, tous les siècles de métaphysique avec leurs oppositions binaires entre l’intime et l’extime, le dedans et le dehors.

C’est celle qu’il a en tête quand, à la toute fin, dans un moment de sa pensée trop souvent sous-estimé, il nous livre, lui aussi, sur fond de “mathématiques sévères” et “rafraîchissantes”, son “testament borroméen” et ses trois, puis quatre “nœuds” du même nom – et c’est celle, par parenthèse, qu’avait déjà en tête son contemporain et ami Roman Jakobson quand il reconnaissait des “affinités fondamentales”, des “convergences”, entre les arts, les sciences de la nature et la nouvelle science linguistique dont il était, après Saussure, le continuateur fécond. »

« Contre la “politique de civilisation”, vive l’axe Lacan-Canguilhem- Lautréamont », dans Questions de principe XI : Pièces d’identité, Grasset, 2010, p. 632-633.


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