« Tout arrive, même l’imprévu. » C’est ainsi que les codirecteurs-rédacteurs en chef de la future publication se sont présentés à leurs confrères, réunis jeudi pour les entendre dans un petit cinéma de la rive gauche. Mêmes cheveux longs. Même costume « sport ». Mêmes phrases courtes. Même ton net, haché, incisif, auquel le cadet – Bernard-Henri Lévy – ajoute une certaine manière, très rocardienne, de reprendre son souffle au milieu d’un mot et d’accélérer les dernières syllabes. L’aîné – Michel Butel – n’a pas trente-cinq ans. Il sera, rue Montmartre, le doyen d’une équipe de trente personnes composée, pour les deux tiers, de journalistes professionnels.
L’Imprévu fera de l’austérité son principe moral et politique : seize pages. Petit format (celui du Quotidien de Paris). Peu de texte. Des salaires indexés sur les recettes. Et un prix de vente (1,50 F) correspondant au prix coûtant.
Les cofondateurs assurent que le journal est lancé grâce à des capitaux personnels et familiaux, qui, estiment-ils, leur permettront de tenir jusqu’à l’automne. Ils évaluent à trente mille ou quarante mille le nombre de lecteurs nécessaires à la survie du journal – dont le premier numéro sera tiré à cent vingt mille exemplaires.
Restera à « faire craquer les vieux carcans journalistiques » en suscitant, le plus souvent possible, une lecture enrichissante, « rêveuse ».
Démentant les bruits qui avaient couru sur leurs liens avec le parti de François Mitterrand, Bernard-Henri Lévy et Michel Butel (tous deux anciens rédacteurs à Combat) ont déclaré qu’« ils n’avaient pas l’intention de diriger un nouveau quotidien du P.S. ». Ils ont ajouté que le libéralisme appliqué autrefois à Combat par l’équipe de Philippe Tesson – et actuellement au Quotidien de Paris – leur paraissait « nuire à la santé d’un journal ». « Chez nous, ont-ils dit, il n’y aura pas de partage du pouvoir. En cas de dissensions d’opinion au sein de la rédaction, la direction tranchera. Mais notre équipe a été formée avec tant de précautions que ce cas ne devrait pas se présenter. »
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