Après un succès de curiosité le premier jour, la vente de L’Imprévu n’a cessé de diminuer rapidement. En outre, le nouveau quotidien n’a guère pris de lecteurs aux autres journaux parisiens, à peine au Quotidien de Paris et moins encore à Libération, journaux dont la formule se rapproche le plus de celle de L’Imprévu. Autres phénomènes de presse qui ressortent de ce tableau des ventes à Paris (à l’exclusion des bibliothèques de gare et de métro) : la poussée de vente les jours de tiercé pour les quotidiens qui lui accordent une large place, et, d’autre part la vente plus importante des journaux du soir qui le vendredi 31, ont eu la primeur du remaniement ministériel : le vendredi d’avant, le 24, Le Monde avait vendu à Paris 124 165 exemplaires et France-soir 240 600.Enfin, on note la baisse traditionnelle de ventes des journaux le samedi, en particulier pour ceux dont la mise en place a lieu l’après-midi ou qui ne parlent pas du tiercé.

Le quotidien L’Imprévu, dont le premier numéro avait paru le 27 janvier après une campagne de lancement assez ambitieuse, a décidé de se saborder moins de deux semaines après sa naissance.

Ses directeurs, MM. Michel Butel et Bernard-Henri Lévy, déclarent dans un communiqué : « Les animateurs du journal ont maintes fois répété qu’ils ne se reconnaissaient d’autre contrat, politique et moral, que celui qu’ils passaient avec leurs lecteurs. L’échec des ventes après onze jours de parution est là pour le prouver : ce contrat, les lecteurs l’ont rompu ; mais nous n’en avions pas nous-mêmes tenu toutes les promesses, tant sur le plan rédactionnel que sur le plan technique. Il fallait tirer les conséquences de cet échec, qui serviront de tremplin à la reparution de L’Imprévu dans des conditions toutes différentes. »

Dans son dernier numéro, publié vendredi 7 février, L’Imprévu écrit : « Nous avions dit qu’un journal c’est un club, un club de lecteurs et de rédacteurs : le club est exsangue aujourd’hui, il ne reste qu’à le disperser. Nous avions annoncé enfin qu’un journal ne devait vivre que sur ses ventes réelles, qu’il ne pouvait compter que sur ses propres forces, qu’à moins de trente mille lecteurs L’Imprévu devrait disparaître : nous sommes loin de ces trente mille lecteurs, L’Imprévu doit disparaître. Nous avons fait des promesses, nous n’avons pas su les tenir. Nous avons fait des paris, nous les avons ratés… »

M. Bernard-Henri Lévy, dont le père a financé le lancement de L’Imprévu, a précisé qu’il ne renonçait pas pour autant au projet d’un quotidien. Le fait, au contraire, d’arrêter l’expérience manquée de L’Imprévu, avant d’avoir épuisé toutes les ressources financières dont il disposait, laisse présager une nouvelle tentative dans un avenir plus ou moins rapproché.


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