L’Algérie ?

La Syrie ?

Taslima Nasreen ?

Salman Rushdie ?

Oui, bien sûr.

Ô combien !

Mais que l’on ne s’y trompe pas !

L’intégrisme est plus que cela.

Il est au-delà, encore et toujours au-delà, de ce sanglant « chaos d’absurdités et d’horreurs » (Voltaire) qu’enregistre, jour après jour, la boîte noire de l’actualité.

L’intégrisme est une maladie de l’âme.

L’intégrisme est un mal du siècle et des sociétés – notamment modernes.

L’intégrisme est une machinerie politique, théorique, théologique, dont l’islamisme n’est qu’une des figures – encore que, bien entendu, et aujourd’hui, la plus terrifiante.

L’intégrisme ?

Un certain rapport – nostalgique – à l’Origine.

Une certaine conception – messianique – de la Fin.

Le fantasme d’une « bonne » société, transparente à elle-même, idéale, parce que purifiée de ce qui est censé la dénaturer, la corrompre : la pensée, par exemple ; et les intellectuels ; et les femmes dévoilées ; et les juifs ; et les versets sataniques des romanciers ; et le cosmopolitisme ; et les bûchers de vanités d’hier et d’aujourd’hui.

L’intégrisme, c’est la pureté.

L’obsession de la pureté.

Il faut dire « volonté de pureté » comme on dit « volonté de puissance » (Nietzsche) ou « volonté de savoir » (Foucault) – car c’est là qu’est la matrice, le programme de l’intégrisme.

« Pureté » et « intégrité » : le même mot, n’est-ce pas ? L’intégriste est celui, oui, qui n’en finit pas d’épurer le corps social de ce qui, à ses yeux, le rend étranger à soi : ignorer cela, ignorer cette dimension transversale de l’intégrisme, oublier que l’intégrisme est une catégorie de l’histoire des religions, mais aussi (car c’est la même chose) de la politique, de la morale, de la métaphysique, de la littérature, c’est ne rien comprendre à rien ; c’est demeurer dans cette nuit du nihilisme qui est, aussi, l’un des noms de l’intégrisme ; c’est être comme ces ivrognes qui cherchent leur clef sous le réverbère parce que c’est là, croient-ils, qu’est la lumière.

Mein Kampf était un livre intégriste.

Le communisme, quand il voulait purifier la terre russe de ses « insectes nuisibles », était un intégrisme.

Pol Pot était intégriste.

« La terre, elle, ne ment pa » est le type même du slogan intégriste.

Vichy, notre intégrisme.

La purification ethnique en Bosnie est, de plein droit, un intégrisme.

Le génocide purificateur au Rwanda relève, évidemment, de la logique intégriste.

Et est-ce vraiment un hasard si l’intégriste Le Pen (obsession d’une France pure, débarrassée de ses « étrangers ») a soutenu les intégristes serbes et soutient aujourd’hui, en Algérie, la fraction la plus avancée de la grande armée intégriste ?

Il y a une internationale intégriste.

Il y a une histoire mondiale de l’infamie intégriste.

Ce fut l’affaire du siècle.

Ce sera, plus que jamais, celle de la fin de siècle – et, peut-être, du suivant.

Qui est prêt à l’admettre, à le penser jusqu’au bout – et avec qui ? C’est, à l’heure où j’écris, le seul défi.


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