Jonathan Littell se rend régulièrement dans les pays en difficultés, pour en témoigner dans de longs reportages – au Soudan, en Syrie, etc. Emmanuel Carrère a rendu compte de la Russie contemporaine dans des articles qui lui ont inspiré son livre Limonov, épopée russe d’aujourd’hui. Avant eux, il y eut un Jean Rolin, reporter et écrivain. Mais surtout un Bernard-Henri Lévy, qui aura rendu compte de ces guerres « oubliées », passant plus de trente ans à se rendre sur le terrain et dépassant le statut de témoin pour celui d’acteur, tentant en vain, jusqu’à la Libye, d’alerter l’Occident et de le faire intervenir – voir son documentaire sidérant, Bosna !, qui restera comme le film-témoin de ce que l’Occident peut avoir de pire dans sa lâcheté et son refus d’intervention (en l’occurrence en Bosnie).

A noter qu’après son journal de Libye (La Guerre sans l’aimer, Grasset), le documentaire qu’il a réalisé sur le même sujet, Le Serment de Tobrouk, sera programmé à Cannes en sélection officielle (le 25 mai) comme un important manifeste politique prouvant qu’on peut tirer des leçons de l’histoire et agir – histoire, entre autres, de braquer le projecteur sur l’urgence d’une intervention en Syrie !

On a beaucoup écrit sur l’engouement des écrivains pour le réel, abandonnant le roman en faveur du récit. Rien de bien nouveau, pourtant : avant eux, les inévitables Joseph Conrad, Joseph Kessel, etc. A temps troublés, écrivains qui se font reporters, témoins, et in fine, quand personne ne bouge et rien ne change, acteurs au sens d’« agissants ». Libres et non inféodés à un quelconque pouvoir, autorisés de leur expérience et de leur voix, ce sont eux qui, aujourd’hui, peuvent porter un coup fatal à l’indifférence.


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