En Ukraine, le ciel est comme tous les autres ciels d’Europe. En ces jours de printemps et d’été, les nuages prennent des teintes roses et orangées, et la nature est florissante. Contraste saisissant entre ces arbres couronnés de vert et la réalité crue des villes suppliciées ou engloutis, comme Kherson, sous l’eau boueuse d’un barrage bombardé par l’envahisseur russe. Troisième volet du journal de voyage de Bernard-Henri Lévy, L’Ukraine au cœur montre les ravages d’une guerre qui va entrer dans sa deuxième année, car, assure l’écrivain en voix off, « nous voulons en recueillir les preuves avant qu’elles ne s’évaporent tout à fait ». Il ajoute une ironie lasse : « Nos compatriotes commencent à trouver le temps long et sont fatigués de ce peuple qui les appelle à la rescousse », exhortant les alliés européens à enfin livrer les armes dont les Ukrainiens ont besoin pour vaincre l’impérialisme.

Ici, les images inédites et poignantes d’une école anéantie par les bombardements. Là, la cathédrale de la Transfiguration à Odessa à moitié détruite par un missile. Plus loin, les témoignages sidérants de jeunes filles rescapées racontant l’enfermement, en mars 2022, des 376 habitants d’un village dans une cave obscure, tassés les uns sur les autres. « On vivait dans le noir et on ne voyait même pas les gens mourir. Quand on sortait un corps, l’odeur se propageait dans toute la pièce. » Pour contrer le désespoir, il y a la résistance opiniâtre d’un peuple de héros aux visages étrangement calmes. Cette vieille femme en fichu, blouse à fleurs et charentaises qui survit dans sa maison dévastée et nous montre en riant sa baignoire intacte au milieu des décombres. « Je peux prendre un bain même s’il n’y a plus de portes ni de fenêtres. » Cette jeune fille de 20 ans à la jambe amputée qui affirme : « Avant d’être blessé, je ne savais pas quoi faire de ma vie. Maintenant, je peux dire que je suis vraiment heureuse et reconnaissante pour tout ce qui m’est arrivé. » Ces « soldats de l’an II de la libération de l’Ukraine », comme les appelle BHL – silhouette en chemise blanche et gilet pare-balles – arment leurs drones ou leurs missiles en crachotant dans leur talkie-walkie « Ici Londres », « Ici Wikipédia ». Ou tapent en cadence dans les mains en écoutant des artistes ukrainiens venus au péril de leur vie leur apporter le réconfort de leurs chants patriotiques. La résilience humaine, dans ce qu’elle a de plus baroque et de plus bouleversant.

Et puis il y a les entretiens, menés par l’intellectuel de terrain, de ces prisonniers russes au visage flouté qui s’estiment trompés par le régime poutinien. « On a été vendus et on nous a envoyés à la mort. 70% des hommes n’étaient pas préparés. […] La plupart des Russes ne veulent pas faire la guerre », prétend l’un deux. Cette guerre que l’Ukraine doit gagner coûte que coûte, sous peine de sonner le glas de l’Europe, alerte le militant philosophe.

L’Ukraine au cœur, sur France 2, mardi 14 novembre à 21h10.


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