« Je demande qu’on envoie enfin suffisamment d’avions, d’armes et de munitions à l’Ukraine, non pas seulement pour ne pas perdre la guerre, mais pour la gagner ! » C’est le cri du cœur de Bernard-Henri Lévy, lancé à la fin du troisième volet de sa série documentaire sur l’Ukraine dans la tourmente, après Pourquoi l’Ukraine et Slava Ukraini.

Jeune pays indépendant aux portes de l’Europe, l’Ukraine est investie bien malgré elle depuis bientôt deux ans d’une charge considérable, la défense de la démocratie libérale face à l’impérialisme triomphant d’un régime mégalomane, la Russie, pays à la botte du dictateur Poutine. Accompagné du co-réalisateur Marc Roussel, Bernard-Henri Lévy s’y rend en arpenteur solitaire, plus que déterminé à en découdre avec cette guerre, équipé d’un gilet pare-balles, évoluant à pied ou dans les fourgons de l’armée régulière. Le spectateur le suit dans ses pérégrinations sans relâche près de la frontière biélorusse, sur les fronts de Kherson et de Bakhmout pendant l’été 2023, au moment de la contre-offensive à l’Est. Dans les zones de conflits ou de désolation, il sonde les cœurs et les reins. Sa voix off décrit sans surplomb ses rencontres avec des officiers ukrainiens ou des volontaires internationaux, ses retrouvailles avec des amputés croisés en d’autres circonstances, ses sidérations devant la barbarie de l’ennemi, ses espérances pour l’avenir.

Il veut aller partout, tout voir, tout comprendre. Un philosophe boulimique d’infos, et qui veut transmettre l’horreur de ce conflit au plus grand nombre. Alors que nous avons été abreuvés, assommés chaque jour d’images de ce conflit, ici, Bernard-Henri Lévy prend le temps de voir et de montrer : les écoles sinistrées et l’organisation des ravitaillements, les hameaux de Kherson évacués après la rupture d’un barrage sur le Dniepr provoquée par les Russes, les bunkers enterrés des tacticiens, réduits sommaires truffés d’électronique. Un mécano de génie nous explique la fabrication artisanale des si précieux drones largueurs d’explosifs. C’est passionnant à voir. Effrayant aussi. La guerre, quoi. Pressé par le son du canon, il s’engouffre au fond de tranchées creusées à moins de 500 mètres des lignes ennemies, sous la menace de « Capitaine Conan » russes qui, usurpant les couleurs ukrainiennes, tentent des razzias à l’aveugle. La pénurie de munitions et d’obus oblige à maximiser l’efficacité de chaque tir. Le soir venu, s’élève d’une guitare un chant patriotique, repris par tous, hommes et femmes en treillis. Une pause. Un beau moment d’émotion. On voit aussi que beaucoup d’Ukrainiens n’acceptent pas de quitter leur maison à moitié détruite, repoussant les limites d’une vie qu’ils veulent la plus normale possible, refusant par principe de céder au chaos imposé par l’ennemi. Car pendant que le « monde libre » devise doctement pour estimer l’ampleur de la « grosse fatigue » supposée des Occidentaux, usés par une guerre par procuration dont ils ne voient pas la fin, le film nous montre des Ukrainiens se battre, tous les jours, avec les moyens du bord, héros banals, pour éviter les missiles, la faim ou la déportation de leurs enfants, chef d’accusation des mandats d’arrêt portés par la Cour pénale internationale (CPI) contre Moscou en mars 2023.

« Que les bombes ne t’atteignent pas ! » crie en souriant le soldat qui part en permission, à celui qui le remplace sur le front. Une exceptionnelle leçon de courage et de liberté, par tout un peuple, digne, exemplaire.


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