C’est le troisième film que Bernard-Henri Lévy signe sur l’Ukraine. En 2022, il commence avec Pourquoi l’Ukraine, que diffuse Arte. En début de cette année, c’est au cinéma que l’on découvre Slava Ukraini. Aujourd’hui, avec L’Ukraine au cœur, sur France 2, il suit au jour le jour la deuxième contre-offensive ukrainienne, qui s’est déroulée l’été dernier. Il nous emmène dans les tranchées de Bakhmout ou de Kherson, montre les hôpitaux détruits et les écoles bombardées, va à la rencontre des citoyens-soldats et des prisonniers russes. « Je crois, depuis le premier jour, que c’est l’avenir de l’Europe qui se joue ici », indique-t-il en note d’intention.

Un tournage en immersion

Le documentaire débute avec la destruction du barrage de Kakhovka, dans la région de Kherson, le 15 juin dernier, et s’achève quelques jours après la rentrée des classes, à la mi-septembre. « C’est un tournage en immersion, peut-être plus encore que dans les précédents films, résume Bernard-Henri Lévy. Il n’y a pas de théorie ou de considérations idéologiques. C’est vraiment un carnet de route. Ce qui me frappe, c’est que cette armée, ce peuple ukrainien, oscillent en permanence entre la désolation et l’espérance. Cette guerre est de plus en plus terrible, de la part de la Russie ». Il évoque également un conflit où se combine « la boue des tranchées et la menace permanente des drones », ce qui, sur le long cours estime-t-il, « a quelque chose de terrifiant ».

Puis il détaille : « Un film comme celui-là, c’est vraiment une aventure humaine. Avec Marc Roussel, mon coréalisateur, nous arrivons à Kherson, sans savoir où nous allons après. Cette zone de Bakhmout, nous n’avons cessé d’y revenir au cours de ces trois mois. Pourquoi ? Pas de plan… Enchaînement de circonstances… On n’a tourné qu’au jour le jour, et parce qu’on a noué, sur la durée, des relations de confiance et de fraternité avec les Ukrainiens ». Il cite également une des séquences du documentaire qui lui semble importante : celle où il pose quelques questions à des prisonniers russes. « Nous avons tenu à cette scène, car c’est comme un portrait, un sondage terrifiant, sur l’état de l’armée russe. Ces trois prisonniers, on ne les a pas choisis. C’étaient juste ceux de la journée du 17 juillet. Et je ne suis pas sûr non plus qu’ils soient 100 % représentatifs. Mais, tout de même, qu’est-ce qu’ils nous disent ? Démoralisation. Impréparation. Les commandants qui les vendent comme des esclaves. Il leur manque le vrai carburant d’une victoire, qui est le moral. On ne peut gagner une guerre que quand on sait pourquoi on la fait ! Côté ukrainien, c’est le contraire. Leur moral reste inentamé. Et ça, honnêtement, ça force le respect ».

La fatigue des opinions

Après la diffusion en prime time sur France 2, ce documentaire connaîtra une sortie sur grand écran aux États-Unis le 6 décembre, avec une avant-première aux Nations Unis. « Ce que nous attendons de cette programmation outre-Atlantique ? Un effet sur les opinions…. Qu’elles n’oublient pas ! Jusqu’à présent, je me suis intéressé à des guerres oubliées. Là, c’est une guerre centrale potentiellement mondiale. Eh bien notre but, avec Roussel, c’est qu’elle ne devienne pas une guerre oubliée. Ce serait le pire. Et c’est ça, le but du film : aider à ce que la guerre d’Ukraine ne rejoigne pas cet enfer des guerres oubliées que je connais trop bien. Pour Le Monde, il y a quelques années, j’avais couvert les guerres du Darfour, d’Angola, du Burundi, etc. Toutes oubliées. Donc double horreur ».

Quand on évoque alors le conflit au Proche-Orient qui capte actuellement une grande partie de l’attention médiatique, le philosophe enchaîne : « C’est clair depuis presque deux ans que cette guerre a commencé : le principal ennemi des Ukrainiens, c’est l’indifférence, la fatigue des opinions. C’est pour ça que nous avons fait, non pas un, ni deux, mais trois films. Évidemment, la tragédie du 7 octobre accroît encore ce risque de lassitude des opinions. Mais le risque était là dès le premier jour ».

Par la suite, Bernard-Henri Lévy souhaite se remettre à la philosophie et ne sait pas s’il partira sur un nouveau documentaire. « J’espère que ce film sera le dernier et que les Ukrainiens vont gagner la guerre ».


Autres contenus sur ces thèmes