Le 20 octobre, Bernard-Henri Levy et l’ancien Premier ministre britannique Boris Johnson publiaient une tribune commune exhortant l’Europe à ne pas baisser les armes en Ukraine. « C’est le même combat qui se livre, pour les mêmes valeurs et la même idée du monde, en Israël et en Ukraine — et l’Occident en alerte doit réapprendre, sans tarder, à compter jusqu’à deux », concluaient-ils.
C’est dans ce contexte d’une actualité prise entre deux guerres que France 2 programme ce mardi 14 novembre à 21 heures L’Ukraine au cœur, troisième volet du carnet de bord documentaire de BHL dans la résistance à l’invasion russe, déclenchée le 24 février 2022. Des 200 heures de rush, tournées pendant deux mois et demi entre juin et septembre, l’écrivain globe-trotter en présente 1h30, condensé de son admiration sans limite pour les soldats de Kiev rencontrés pour la plupart sur le terrain, dans la pénombre des bases arrière ou sous le feuillage des sous-bois qui sert de cachette à l’artillerie.
Le film bientôt projeté devant le Congrès américain
Le spectateur doit s’y faire : il se tient derrière BHL qui conserve le premier rôle, fil rouge (ou plutôt blanc, eut égard à son éternelle chemise) de cette plongée dans le quotidien du conflit. On croise avec lui de jeunes artilleurs dont les noms de guerre, « Wikipédia » ou « Scarface », protègent leur anonymat autant que la singularité de leurs personnalités dans une nation toute vêtue de kaki.
On se désole du trou laissé par une bombe jetée dans le chœur de l’église de la Transfiguration d’Odessa. On regarde ces prisonniers russes (floutés) courber l’échine après leur capture. On adresse avec lui un sourire attendri à cette grand-mère en fichu qui bêche son lopin entre deux averses de Grad.
BHL ne questionne pas les failles de la contre-offensive ukrainienne. Il ne s’aventure pas à chercher des fissures dans ce tableau d’une nation debout. Ce n’est pas son propos. Son film, plaidoyer pour accroître le soutien militaire à Kiev, devrait être projeté prochainement devant le Congrès américain et à l’ONU, alors que l’opinion internationale commence à montrer des signes de faiblesse : selon un sondage publié le 2 novembre par l’institut Gallup, 41 % des Américains estiment que leur gouvernement en fait « trop » pour l’Ukraine – ils n’étaient que 29 % à le penser en juin.
« L’objectif, ce sont les F16 »
« S’il y en a qui se fatiguent, ce sont les Occidentaux et, en particulier, Européens, soupire BHL. Les Ukrainiens nous donnent des leçons d’Europe tous les jours. Ces hommes et ces femmes se battent pour que triomphe un certain type de société. Je ne prétends pas être objectif, je fais des films qui prennent parti. C’est une arme. » Arme que l’Ukraine, pourtant richement dotée en communicants, a acceptée volontiers. BHL a eu davantage accès aux militaires sur la ligne de front que bien des reporters sur place. Il faut dire que l’écrivain côtoie le pays depuis longtemps – son impatience à « en être » l’a déjà conduit dans les tranchées du Donbass ou sur à la tribune de Maïdan, à Kiev lors de la révolution de la Dignité en 2014.
Mais sa carte de visite la plus solide tient dans la promesse faite aux soldats de passer leurs messages. « L’objectif, ce sont les F16, admet-il. J’ai fait ce film pour cela, pour convaincre que c’est aussi notre intérêt. Si l’Ukraine perd cette guerre, l’Europe est fichue. » L’écrivain se mue en VRP, quand un officier lui demande d’intervenir auprès de Parrot, un fabricant de drones tricolore, afin que sa technologie permette à ses hommes d’opérer plus loin des lignes de front, et de fait, sauver leurs vies. BHL décrochera son téléphone, hors caméra.
Des témoignages de la souffrance et du courage ukrainiens
Le philosophe, si souvent moqué pour son amour de la lumière, s’efface à certains moments et permet à plusieurs témoins de remettre quelques pendules à l’heure – à commencer par cette vérité que les Juifs d’Ukraine soutiennent largement leur gouvernement, présenté comme « nazi » par la propagande russe et ses relais. Ils donnent aussi la mesure, humainement vertigineuse, du conflit en cours.
Reste en mémoire ce soldat estropié, qui se met à faire des pompes à n’en plus finir, pour prouver son envie et sa capacité à repartir au front dès que possible. Ou la voix monocorde de ces trois adolescentes de Iaguidne, près de la frontière biélorusse, qui racontent leurs 27 jours en enfer, détenues comme les 367 habitants de leur village dans le sous-sol sans fenêtres de l’école – onze sont morts, tous restent traumatisés.
Enfin, le philosophe ne cache pas sa sympathie pour les volontaires étrangers, « ces âmes libres » venues combattre dans ce confins Est de l’Europe. Parmi eux : deux Israéliens, réservistes de Tsahal. L’autre guerre, celle déclenchée par l’attaque du Hamas du 7 octobre, les a depuis rappelés dans leur pays.
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