Dans les premiers mois de votre nouveau mandat présidentiel, alors que vous êtes accueilli en France, vendredi 1er juin, nous, les soussignés, appelons votre attention sur une question importante et urgente qui pourrait être aisément résolue par vous.
Le 8 février dernier, le Comité sur la société civile et les droits de l’homme relevant du Kremlin et constitué d’experts indépendants a soumis à votre prédécesseur et actuel premier ministre Dmitri Medvedev, une liste de 34 personnes comprenant notamment des médecins, économistes, professeurs, entrepreneurs et écrivains, considérés comme illégalement détenus dans votre pays, sujets à des procès non conformes aux règles d’un Etat de Droit, ou persécutés pour leurs opinions. En sus de ce Comité, de nombreuses personnalités de la communauté intellectuelle et artistique russe ont conseillé à votre prédécesseur de libérer ces individus injustement emprisonnés.
Monsieur Medvedev n’a pas résolu cette question et la résolution de ce problème devient chaque jour plus urgente. Certains de ces prisonniers sont dans des conditions de santé critiques, comme Taisya Osipova, mère d’une petite fille de cinq ans, membre du mouvement d’opposition « L’Autre Russie », qui est diabétique et souffre de pancréatite, condamnée à 10 ans d’emprisonnement l’an dernier suite à des accusations liées à la drogue. D’autres personnes figurant sur cette liste sont en prison depuis près d’une décennie, comme Mikhaïl Khodorkovski et Platon Lebedev, anciens dirigeants de Ioukos, tous deux reconnus « prisonniers de conscience » par Amnesty International.
Des prisonniers dont vous connaissez les noms ne figurent pas sur cette liste car ils sont décédés récemment à la suite de traitements inhumains et de tortures infligées dans les prisons de votre pays. Ainsi Sergeï Magnitski ou Vassily Aleksanian, tous deux avocats, tous deux âgés de moins de quarante ans, ont-ils succombé à leur passage en prison dans des conditions indignes d’un Etat supposé partager les valeurs communes reconnues par la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Personne d’autre ne devrait avoir à subir leur sort.
Monsieur le président, tous les pays et toutes les cours de justice commettent des erreurs, parfois. Il serait à votre honneur de le reconnaître et de libérer ces personnes, ce dont vous avez à tout instant le droit, que vous accorde votre Constitution. Nous cherchons tous à améliorer les relations de partenariat entre votre pays et le nôtre. Mais ceci ne sera possible que dans un environnement qui promet, respecte et garantit l’Etat de Droit, ainsi que vous le reconnaissez vous-même.
Monsieur le président, votre prédécesseur a déjà pardonné l’une des trente-quatre personnes figurant sur cette liste, Sergeï Mokhnatkin. Alors que vous débutez un nouveau mandat, les yeux du monde sont fixés sur vous. Nous vous demandons, respectueusement, la libération immédiate de ces trente-trois femmes et hommes, afin d’envoyer à votre propre peuple, mais aussi au monde, le signal de l’avènement d’une nouvelle Russie, moderne, démocratique et respectueuse des valeurs universelles des droits de l’homme. Des valeurs dont la France, qui vous accueille aujourd’hui, s’honore.
Vous rencontrez aujourd’hui le président François Hollande, qui a exprimé à plusieurs reprises l’espoir d’un respect accru des droits fondamentaux dans votre pays. Le renforcement du partenariat entre la France et la Russie, auquel chacun aspire, dépend aussi du respect de ces valeurs communes.
Réseaux sociaux officiels