Tu ne dois pas t’étonner outre mesure de ce tollé quasi général qui accueille dans la presse ton Jugement dernier. On peut même dire, en un sens, que c’est toi qui l’as cherché : ta pièce est destructrice. Destructrice de nos utopies ou idéalismes, destructrice de notre belle âme et de nos bons sentiments, destructrice de notre tenace croyance en l’opposition du Bien et du Mal, destructrice de la comédie humaine dont pourtant ton entreprise ouvertement relève, destructrice en un mot de toi-même.
Je viens de lire, dans les gazettes, un grand nombre d’articles, étoffés et « argumentées », sur cette soirée à l’Atelier où j’ai pour ma part éprouvé tant de plaisir. La plupart de ces papiers m’ont paru remarquablement inadéquats, et certains d’entre eux tout à fait absurdes. Ce qu’on te reproche, c’est justement, à mon sens, ce que tu as sans conteste réussi : l’esthétique (postmoderne ?) du collage, le sabordage de la « pensée » (y compris la tienne) par la dérision, l’extraordinaire jeu café-théâtre de tes meilleurs acteurs, la merveilleuse mise en scène à fractures de Martinelli, l’humour enfin dont je puis témoigner qu’il passe si bien la rampe.
Car ce qui est le plus frappant dont tout cela, c’est l’opposition absolue entre le bonheur évident de la salle et la grise mine de nos critiques. Ne va pas me dire que tu préfères le contraire !
Je tiens en tout cas à te répéter par écrit le bravo que je t’ai dit à la sortie du spectacle.
Courage donc ! Tu as gagné le droit de rire.
Joyeusement à toi.
A.R.-G.
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