Reprenons.
Il y a une première raison de s’inquiéter de l’ascension du Front national : c’est la médiocrité de son programme, pour ne pas dire sa nullité et, en tout cas, sa dangerosité – y a-t-il un expert, en France, pour douter que son application mènerait le pays à la faillite ? y a-t-il un économiste pour ignorer que la sortie, par exemple, de l’euro provoquerait une fuite massive des capitaux, une fragilisation de nos banques, un “credit crunch” colossal ayant lui-même pour effet une chute de l’investissement et de la consommation, une augmentation vertigineuse de la dette et de son prix et puis, last but not least, une cure d’austérité assortie d’une montée exponentielle du chômage ?
Il y en a une deuxième qui saute aux yeux de quiconque observe, avec tant soit peu d’attention, les apparitions de la présidente du parti : ce ton quasi factieux ; cette violence mal contenue ; ce côté “mort aux banksters anglo-saxons” et autres “Américains à passeport français” qui rappelle les Ligues des années 30 – sans parler de ses lapsus à répétition ; on parle toujours de ceux du père ! mais que dire de ceux de la fille qui, décidant de se changer les idées en allant valser à Vienne, tombe, comme par hasard, sur le bal donné par la plus extrémiste, la plus radicale, la plus hitlérienne des corporations pangermanistes autrichiennes ? ou de cet accrochage avec la journaliste Anne-Sophie Lapix accusée d’être liée “par mariage” avec une entreprise (Publicis) dont les familles dirigeantes (Lévy, Sadoun, Bleustein-Blanchet…) ne tarderont pas à voir les vrais et bons Français récupérer ce qui leur a été volé ? ou de telle interview où elle se refuse, de peur de “dire du mal” de son pays, à condamner le régime de Vichy et ses lois scélérates ?
Il y en a une troisième qui tient à l’extrême bizarrerie du personnel politique qu’elle est en mesure de mettre en avant au moment, par exemple, des élections municipales de 2014 : nous avions fait l’enquête à La Règle du jeu ; nous avions publié, sans recevoir le moindre démenti, une centaine de portraits de candidats frontistes parmi lesquels un nombre ahurissant de repris de justice, de trafiquants en tous genres, de sombres zozos trouvés avec un fusil à pompe planqué dans le coffre de leur voiture, d’illuminés rêvant,sic, d’une “traçabilité des enfants” analogue à la “traçabilité de la viande” dans les bonnes boucheries françaises, d’apologistes de la torture, d’admirateurs de Mein Kampf ou d’exhibitionnistes dangereux publiant des selfies en train de faire le salut hitlérien – j’en passe, et des bien pires.
Mais il y en a une quatrième encore – il y a, oui, une quatrième raison de s’alarmer qui est moins souvent soulignée et qui est, pourtant, essentielle : elle tient à l’étrange relation que cette femme entretient avec son pays et dont le moins que l’on puisse dire est que ce n’est pas une relation d’amour.
Il y a un test qui ne trompe jamais.
C’est celui des affaires internationales et de ces situations de crise extrême où le pays est engagé dans des opérations militaires ou politiques à haut risque qui supposent, de la part de chacune et de chacun, un minimum de solidarité et d’esprit de responsabilité.
Son père, il y a vingt ans, à l’époque où l’on égorgeait, en Algérie, des instituteurs, professeurs ou avocats dont le seul crime était de parler français, prenait déjà le parti des francophobes en disant haut et fort qu’il préférait la “djellaba nationaliste” des égorgeurs du GIA au “jean cosmopolite” des militantes et militants des droits de l’homme.
Mais la fille fait, s’il se peut, plus fort encore.
Quand les aviateurs et forces spéciales de son pays risquent leur vie, en Libye, pour abattre un dictateur qui était aussi un grand terroriste, elle prend le parti de la Libye.
Quand les mêmes pilotes s’apprêtent à décoller pour, sur ordre du chef des armées et avant, finalement, de recevoir un contrordre de dernière minute, aller pilonner les dépôts d’armes chimiques du Syrien Bachar el-Assad, elle clame, elle, d’emblée, son amitié de principe pour le Syrien.
Quand le même chef des armées engage un bras de fer diplomatique avec un adversaire redoutable qui s’appelle Vladimir Poutine et dont chacun sait qu’il ne nous fera pas de cadeau, c’est à lui, Poutine, qu’elle “tire son chapeau” ; c’est à lui, Poutine, qu’elle apporte son soutien ; et c’est à la demande expresse de Poutine qu’elle envoie un “conseiller spécial” gonfler les rangs des pseudo-observateurs supposés attester de la régularité du pseudo-référendum sur l’indépendance de la Crimée.
Et il n’est pas jusqu’à la guerre actuelle contre l’État islamique à laquelle, certes, elle se rallie – mais du bout des lèvres, comme à regret et en suspendant ce ralliement à “l’accord des autorités syriennes”, c’est-à-dire, à nouveau, on croit rêver ! des adversaires de son pays…
Bref, pas un conflit international où elle ne prenne le parti de l’ennemi.
Pas un théâtre où se joue, pour son pays, la question de la paix et de la guerre et où elle ne prenne, systématiquement, parti contre son camp.
Mme Le Pen n’aime pas la France.
Mme Le Pen ne perd jamais une occasion de préférer à la France les ennemis de la France.
Mme Le Pen – appelons les choses par leur nom – a la trahison chevillée au corps et à l’âme.
Et c’est l’autre raison qui fait que Mme Le Pen n’est toujours pas, quoi qu’on en dise, une dirigeante politique comme une autre.
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