Bernard-Henri Lévy, qui vient de recevoir le prix Médicis, est l’une des figures du monde intellectuel qui suscitent les réactions les plus passionnées. Son visage aigu et sombre, son auréole de cheveux noirs sont célèbres. Nous avons eu l’occasion de dire le bien que nous pensions de son roman Le Diable en tête (Grasset). Paul Guilbert, qui s’était entretenu avec lui dans Le Quotidien (20 septembre », estimait que « Le Diable en tête nous restera comme le roman de l’éducation intellectuelle et sentimentale d’une génération reconnaissable à sa volonté pathétique et perverse de changer l’homme ». Quant à Jean-Marie Rouart, il écrivait le 25 septembre :

« Ce qu’il y a de passionnant dans ce roman, c’est cet appétit, cette frénésie à rechercher la vérité multiple d’un être, à la traquer à travers de multiples indices. C’est la formidable instruction d’un procès intenté à un homme, d’une certaine façon damné ou possédé, où rien ne serait négligé. Sans doute faut-il remonter à l’Inquisition pour voir des procédures aussi complètes, qui ne négligent ni les origines sociales, politiques, judiciaires, ni les amours, la sexualité, la sensualité : tout ce qui tisse la vie d’un homme.

Mais ce que l’on retiendra, c’est qu’y sont évoquées toutes les tentations de l’adolescence, tous ses poisons, ses mirages, ses engagements douteux, l’influence de ses idéologies chez un véritable héros de notre temps, un homme dont la petite enfance baigne dans les eaux troubles de la collaboration, une adolescence dans l’époque de la décolonisation, un âge d’homme qui va le mettre au cœur d’un cancer idéologique de notre temps : le terrorisme. L’itinéraire de ce jeune homme pourrait être celui d’un Goldmann, d’un Baader.

Mais Lévy n’a pas limité son roman à cette analyse politique et intellectuelle d’un terroriste. On peut même dire que toute la richesse de son livre vient de ce qu’il a éclairé et nourri ses engagements et ses idées non pas en idéologue mais en romancier, en mettant l’accent sur ces “misérables tas de secrets”, que méprisait un Malraux, qui sont les blessures de l’enfance, les humiliations de l’adolescence, les relations conflictuelles qui unissent un enfant à son beau-père, l’éducation des sentiments, du sexe, de la volupté.

Réflexion sur la vérité, sur le mal, sur l’amour et sur le sexe, ce grand roman polyphonique et passionnant embrasse à travers le portrait d’un terrorisme toute la légende sombre, voluptueuse et cruelle du siècle. »


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