Ces quatre photos sont déjà des documents. Combien de temps s’est-il écoulé entre le moment où elles ont été prises et l’entrée effective de leur modèle dans le Bureau Ovale de la Maison-Blanche ? Quelques mois, à peine. Peut-être quelques semaines. Mais c’est comme si c’était un siècle. Ou, en tout cas, une vie. Car cet Obama-ci est, vraiment, un autre Obama. Badin. Charmant. Une nuance de désinvolture dans l’attitude. Rieur. Bizarrement détaché. Jeune aussi. Oui, incroyablement plus jeune que dans les images officielles dont nous arrosent désormais les agences de presse et qui n’ont, je le répète, que quelques semaines de plus. Insouciant, encore. Incertain de son étoile. Pas complètement certain, non plus, d’être à l’heure du rendez-vous que l’époque est en train de lui fixer et qu’il a l’air de vérifier, fébrilement, sur sa montre. Léger, enfin. Léger en ce sens très précis, presque physique, qu’il n’a pas encore, sur les épaules, le poids de ce monde qui, même s’il ne le sait pas, a commencé de se donner à lui. J’aime ce visage. J’aime cet Obama d’avant Obama. J’aime cet instant d’anxiété heureuse qu’a su saisir l’objectif et où l’on sent que l’Histoire hésite encore, qu’elle ne sait ni ce qu’elle veut ni où elle va. Et puis je l’aime – pourquoi ne pas le dire ? – parce que c’est le visage de mon Obama, de celui que j’ai rencontré et dont j’ai tout de suite écrit qu’il était un Kennedy ou, plutôt, un Clinton noir. Y croyais-je complètement, à ce moment-là ? Étais-je réellement convaincu que ce jeune homme en bras de chemise, sage comme une image, riant aux éclats, serait cet autre Clinton ou Kennedy ? Ni plus ni moins que lui, après tout. Ni plus ni moins que ce que je devine de lui, ici, dans ces clichés de Terry Richardson et dans ce qu’ils ont su capter de lui : la fragile vérité d’un moment, d’un suspens et d’un destin.