La Ligue et le Mouvement 5 étoiles… Les populistes de droite et les populistes de gauche… Le tout sous l’autorité, à peine secrète, de l’inusable Berlusconi… L’Italie en est là. Et, pour tous ceux qui, comme moi, se sentent citoyens du pays de la Sanseverina, de Dante et de Pasolini, pour ceux qui savent, accessoirement, que l’Italie est la troisième puissance économique de la zone euro, il y a là, sur l’échelle de Richter de la catastrophe européenne, une menace de même niveau que celle du Brexit. L’Angleterre, donc… L’invention, en Hongrie, de la démocratie illibérale… Le retour, en Autriche, du racisme… La Grèce qui gronde… Des dizaines de néofascistes au Bundestag… Et, maintenant, l’Italie… SOS Europe !
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Est-il vrai que, dans Le Livre d’image, le film de Godard primé à Cannes, il y a une image de l’armée israélienne montée sur une ou plusieurs images du « cercle de la merde » – qui est la plus insoutenable des trois séquences qui structurent le Salò de Pasolini ? J’ai défendu Godard, jadis, contre les accusations d’antisémitisme. Je l’ai fait ici. Je l’ai surtout fait dans un long essai commentant, pour La Règle du jeu, la série de conversations, correspondances et projets de films que nous avons eus, ensemble, depuis quarante ans. Peut-être faudra-t-il reprendre tout cela. Déception.
L’alternative est simple. C’est Le Livre d’image ou Le Livre. Dans le roman sur Alfred Jarry de Patrice Trigano, paru, comme il se doit, au Mercure de France (Ubu roi : « Merdre » !), il y a un portrait neuf et, surtout, très instructif de l’auteur du second – Stéphane Mallarmé. Le saint des saints de la rue de Rome. La lumière crépusculaire qui semble avoir été créée exprès pour le lieu. Les volutes de fumée des cigarettes. La petite foule des spectateurs où l’on reconnaît Gide, Debussy, Valéry, Barrès, Mirbeau, Rodin, Moréas ou Pierre Louÿs. Et, dans son rocking-chair face à eux, les épaules couvertes de son plaid, les yeux fixés sur l’éternité, presque immobile, le Maître et ses improvisations elliptiques. Comme toujours avec les très bons romans, on comprend tout. Le génie. La distance. L’ascendant absolu. Et pourquoi Stéphane Mallarmé n’a jamais transigé, lui, ni avec l’affaire Dreyfus ni avec la haine des juifs.
Vaut-il mieux un accord imparfait ou pas d’accord du tout ? un Iran sous surveillance ou livré, hors de tout contrôle, à lui-même ?
On dit toujours – j’ai dit moi-même, au moment de son intronisation – qu’il y a un roman américain qui a annoncé Trump. Ce roman, c’est Le Complot contre l’Amérique , de Philip Roth (qui vient de disparaître, NDLR). Seulement, voilà. Tom Wolfe vient de mourir. Et la mort, comme souvent, décape l’image que l’on a d’un écrivain, la désencombre du fatras d’anecdotes qui ne servait qu’à l’obscurcir et fait que, soudain, on l’envisage. Mais oui, bien sûr ! Comment ne s’en est-on pas avisé plus tôt ? Il y a deux romans de Tom Wolfe qui dépeignent non seulement Trump, mais l’Amérique qui le rend possible. C’est Le Bûcher des vanités. Mais c’est aussi Un homme, un vrai, dont le personnage principal, Charlie Croker, a la brutalité, la vulgarité crispée, le cynisme de son imitateur dans la vraie vie.
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Trump n’a pas tort, naturellement, de dire que l’accord sur le nucléaire iranien n’est pas parfait. Et ceux qui le soutiennent ont beau jeu d’énumérer les failles (la question des missiles balistiques, par exemple, ou celle de ce qui se passera, en 2025, à l’expiration de l’accord…) qu’y avait laissées l’administration Obama. Mais il y a une question et une seule qu’aurait dû se poser, s’il était un homme d’État responsable, la réincarnation de Charlie Croker (ou de l’Ubu d’Alfred Jarry) : vaut-il mieux un accord imparfait ou pas d’accord du tout ? un Iran sous surveillance ou livré, hors de tout contrôle, à lui-même ? et la sagesse ne voulait-elle pas que l’on fît fond sur la force de l’Occident pour arraisonner une république islamique qui n’est forte, là comme ailleurs, que de nos renoncements et de nos faiblesses ?
C’est l’homme du rien, voulant le rien, sans esprit ni conscience. C’est l’homme qui est déjà rongé par la lèpre de la mort et dont la marche en avant ressemble à une noyade. Le faible, c’est Trump.
C’est tout le sens de la sentence nietzschéenne : « Il faut protéger les forts contre les faibles. » Non pas la force forte, bien entendu. Non pas la force brute, sans mots ni réplique. Et, quand il dit faiblesse, Nietzsche ne pense évidemment pas à la vulnérabilité des humiliés, des déglingués, des désorientés, des irréguliers, des paumés. Le faible, c’est l’homme de la rancune et du ressentiment. De la volonté de vengeance et de la haine. C’est l’homme des petites passions, des passions négatives, des passions tristes. C’est l’homme du rien, voulant le rien, sans esprit ni conscience. C’est l’homme qui est déjà rongé par la lèpre de la mort et dont la marche en avant ressemble à une noyade. Le faible, c’est Trump. Le faible, c’est ce faux dur, ce faux fort, ce danger pour lui-même et pour nous qu’est Donald Trump.
Un autre exemple d’homme du ressentiment, respirant la vindicte et l’aigreur : Jean-Luc Mélenchon. Il s’en prend aux femmes quand, à la télévision, une écrivaine comme Laurence Debray l’interroge avec un peu trop de précision sur le Venezuela. Il insulte les associations juives lorsque celles-ci s’étonnent qu’il ne s’émeuve pas quand on crie « Mort aux juifs » dans des cortèges qui sont un peu les siens. Aujourd’hui, c’est l’ancien président de SOS Racisme Malek Boutih qui lui reproche de prêcher la haine quand il s’adresse à ses militants. Le reproche est dur. D’autant qu’il se nourrit d’une vraie connaissance du personnage que Boutih a connu dans les années où celui qui n’était encore qu’un vague notable socialiste parrainait SOS Racisme. Mais enfin, il est loyal. Il vient dans une discussion sur l’héritage de Mai 68, la différence entre l’âge des émeutes et celui des meutes, le radicalisme, Daech. Or comment croit-on que Mélenchon, le lendemain, au Grand Jury RTL-Le Figaro, réagisse ? Par la plus basse des insultes. La plus douteuse aussi. « Boutih n’est pas dans mes moyens, lance-t-il ; qui veut l’achète ; pas moi. » Honte à M. Mélenchon.
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