Bizarre : voilà quelqu’un qui se met à parler du soutien aux Bosniaques dans le cadre de la campagne pour les européennes ! C’est un sujet européen, ça ? Ça n’a pourtant rien à voir avec les montants compensatoires. Bien sûr, la tragédie de la Bosnie est parfois évoquée par les candidats aux européennes, comme une petite musique, désolée ou aigrie. Mais venir dire comme ça que l’Europe doit intervenir là-bas contre l’agression serbe et armer la résistance, parce que son sort s’y joue comme autrefois il s’est joué en Espagne, quand l’Europe pratiquait déjà la non-intervention… Il faut le narcissisme d’un intellectuel comme Bernard-Henri Lévy-chemise-au-vent-où-est-la-caméra ?, pour oser renvoyer ainsi les politiques à l’insignifiance de leurs discours. Mais s’en tenir à cette ironie, ce serait oublier que les Français sont majoritairement pour faire cesser l’agression en Bosnie, d’après les sondages. Voilà qui devrait compliquer encore le jeu politique dans ces élections européennes déjà encombrées de petites listes.
René-Pierre Boullu
C’est un rôle que Bernard-Henri Lévy aime bien : celui de trublion, d’empêcheur de gouverner en rond. Dimanche, à « L’heure de vérité » de France 2, il n’a pas manqué à la règle qui a fait son succès : après son film – Bosna ! – ; il lance un défi à la classe politique. Il prévient que si les autres listes ne s’engagent pas clairement pour faire triompher en Bosnie les principes démocratiques, il se fait fort de lancer une liste « Sarajevo » aux européennes. Elle serait conduite par le professeur Léon Schwartzenberg et compterait parmi ses membres des personnalités venant d’horizons politiques différents, comme l’amiral Antoine Sanguinetti. Et des intellectuels de tous bords, tels André Glucksmann, Marek Halter ou Daniel Rondeau. Une liste pour « témoigner », a précisé BHL, qui a d’ailleurs repris à son compte le projet de Bernard Kouchner de décembre 1993, avant que l’ancien ministre à l’Action humanitaire ne rejoigne la liste PS de Michel Rocard.
Partisan dès la première heure d’un engagement aux côtés des Bosniaques, c’est après une de ses visites à 1’Elysée, le 21 juin 1992, que François Mitterrand a pris la décision de se rendre dans Sarajevo assiégée, une semaine plus tard. Un acte hautement symbolique qui, à l’époque, a marqué l’opinion.
Mais depuis, c’est la politique et la diplomatie du « fait accompli » qui ont repris le dessus. L’argument du philosophe est de comparer ce qu’il appelle la lâcheté du monde occidental d’aujourd’hui à celle qui a prévalu lors de la guerre d’Espagne, en 1936. Et de prendre la conscience du monde à témoin devant des combattants, dit-il, qui se réclament des républicains espagnols et des gaullistes de 1940. Sa volonté est de dénoncer les politiques qui sacrifient, quand ils sont aux affaires, la morale et l’humanitaire à la raison d’État. Et qui, estime-t-il, ont la mémoire courte.
Danièle Molho
BHL : « Je ne me mets pas en avant »
Projeté hier soir à Cannes Bosna !, le film de BHL, Alain Ferrari et Gilles Hertzog a créé l’événement. De Rocard à Catherine Deneuve, tout le monde était venu voir Bosna !
Info Matin : Montrer votre film sur la Bosnie à Cannes, est-ce important ?
Bernard-Henri Lévy : C’est important pour les Bosniaques. Quand j’ai su que le film était sélectionné, ça été d’abord une grande joie. Ma deuxième réaction a été de téléphoner à mes amis de Sarajevo.
Leurs réactions ?
Qu’il fallait aller à Cannes, pour que le message soit entendu. Que personne ne puisse plus dire : « Nous ne comprenons pas ». Ce qui se passe là-bas, on peut l’appeler fascisme ou tout ce qu’on veut, cette fusion rouge-brune, c’est quelque chose qu’on a déjà vu. Il n’y a pas de question politique plus importante que la Bosnie. La monnaie unique, l’exception culturelle, ce n’est rien par rapport à la Bosnie. D’ailleurs, la colère et l’indignation des simples citoyens est en train de monter.
Votre projet de liste aux élections européennes ?
Notre objectif est d’obliger la classe politique à mettre la Bosnie au cœur des débats. Ça ne doit pas être une rubrique parmi d’autres.
On vous reproche de vous mettre trop en avant…
Dans le film, je ne suis pas en avant, on ne m’y voit quasiment pas. Mon rôle n’est pas intéressant. Je souhaite que les Bosniaques se servent du film et que le film les serve, c’est mon espoir.
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